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singulièrement l’estime que le grand Kan avait conçue pour eux,

Ce passage fort curieux de Marco Polo où il règne une espèce de réserve diplomatique, a donné lieu de croire que l’intérêt que le grand Kan semble prendre à l’église et à la foi chrétienne, avait été exagéré par le zèle de ceux qui originairement tirèrent des copies de la relation de Marco Polo. Mais l’importance que les Tartares Moghuls mettaient à savoir quel était l’état des puissances chrétiennes de l’Occident, avec lesquelles elles faisaient alors cause commune contre les Sarrasins et les Mahométans, est assez connue pour que l’on s’explique avec quel intérêt et quelle curiosité bienveillante le prince mongol a dû écouter les renseignemens que lui donnèrent nos deux Vénitiens. Non-seulement cette alliance d’intérêt entre les Tartares et les chrétiens occidentaux existait, comme on n’en a jamais douté, mais on a acquis la certitude, depuis quelque temps, qu’il s’était établi non-seulement avec le pape, mais avec le roi de France et les successeurs de la race de Tchingkis-Kan, des relations diplomatiques dont les pièces originales en langue mongole existent dans les archives royales de France.

C’est au savant M. Abel Rémusat que l’on doit cette découverte sur laquelle il donne lui-même des détails qui serviront de commentaire à la partie de la relation de Marco Polo, où il parle du grand Kan Kublaï à la cour duquel il a été admis. « Je m’étais occupé, dit M. Abel Rémusat[1], de rechercher quelles avaient été l’origine et l’occasion des rapports que saint Louis et ses successeurs avaient eus avec les princes de la race de Tchingkis-Kan. Des passages oubliés de nos vieilles chroniques, des particularités négligées par nos historiens, des monumens originaux ensevelis dans nos archives, m’avaient appris les motifs de ces négociations que Voltaire, Deguignes et plusieurs autres ont traitées de fabuleuses, parce qu’ils n’en avaient pas deviné l’objet et qu’ils n’en saisissaient pas l’enchaînement.

« La terreur que l’irruption subite des Mongols avait inspirée depuis la Corée et le Japon jusqu’en Pologne et en Silésie,

  1. Mélanges Asiatiques, premier volume, page 401 et suivantes.