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pour reproduire les beautés plastiques, que faut-il penser de la parole ? Nous nous bornerons à dire que cette figure est debout et qu’elle a environ quatre pieds de haut. L’original en pierre se voit encore aujourd’hui à l’entrée de l’église de Saint-Denis, à gauche. Elle est placée sur le tombeau du roi Dagobert Ier, mort vers 641 : elle représente Nantechild, une des femmes de ce prince ; car ce saint roi eut, selon les priviléges de ce temps, trois femmes à-la-fois, sans compter les concubines.

Cette figure est d’une beauté sérieuse et toute chrétienne. Plongée dans la méditation, elle tient un livre d’heures dans sa main droite, et de l’autre tord un lacet, qui pend de son cou. Sa tête est légèrement inclinée. Un nuage de tristesse contracte son sourcil et pèse sur ses paupières : sa pensée semble en communication avec la tombe qui est à ses pieds[1].

Il suffit d’un coup-d’œil pour s’assurer que cette statue n’est pas contemporaine des successeurs de Dagobert. Au caractère d’ascétisme répandu sur les traits et dans le maintien, à l’émaciation des formes qui, sans altérer la beauté, atteste la prédominance de l’esprit sur la chair, on peut être sûr que la pensée catholique avait alors atteint sa plus haute pureté. Le vêtement étroit, plus serré du haut que du bas, indique l’approche du règne de saint Louis ; enfin le jeu libre de la chevelure et la liberté des plis de la robe dénotent le passage récent de l’art hiératique ou sacerdotal à l’art indépendant et séculier, moment qui correspond chez nous à l’époque de Phydias en Grèce. Tous ces indices donnent à cette statue, pour date certaine, la première moitié du treizième siècle.

La tête n’a aucun des caractères d’un portrait : c’est, à n’en pas douter, une création idéale. D’ailleurs, et cela est bon à

  1. De la manière dont cette statue est aujourd’hui placée, elle regarde le pavé de l’église au lieu du tombeau. La faute en est aux architectes maladroits qui ont restauré cette sépulture, et qui ont placé la statue de Nantechild à gauche, au lieu de la mettre à droite. Cette disposition malheureuse est d’ailleurs assez ancienne, car elle existe dans la gravure que Montfaucon a donnée de ce monument.