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en Espagne, y a vaincu plutôt que nos armes la révolution de 1820 ; transportées jadis en Amérique par les premiers conquistadores, ces mœurs s’y trouvent encore assez puissantes pour retenir les peuples à leur insu dans la voie tracée par leurs pères. Qu’on ne s’y trompe pas, en effet ; l’Amérique espagnole, toute labourée qu’elle est par cent révolutions, n’est pas une table rase où le premier législateur venu, conquérant ou pacifique, puisse graver avec la pointe de son épée, ou à coups de décrets, les lois qu’il jugera les plus en harmonie avec les idées actuelles. La force d’inertie que les peuples opposent toujours en pareil cas, y est aussi puissante que nulle part ailleurs, et ces déclarations de principes, ces constitutions improvisées à la hâte, dont les vingt congrès américains ont été prodigues à l’égal de nos assemblées politiques, n’ont guère eu d’existence que sur le papier. À peine exécutées aux portes de l’enceinte législative qui les a vu naître, elles expirent dans les provinces dont elles doivent faire le bonheur, faute d’un peuple qui les comprenne et d’hommes qui leur donnent la vie.

Or, les deux partis unitaire et fédéral représentaient exactement, l’un la civilisation telle que nous l’avons faite, l’autre celle qui gouverne l’Espagne ; et, par un rapprochement singulier, ils se trouvaient, quant au nombre, aux talens de leurs membres, à leur influence sur le pays, dans la même position que les libéraux et les absolutistes de la métropole sous le règne de la constitution. Les unitaires ayant à leur tête Rivadavia, la première capacité politique de l’Amérique, possédaient le pouvoir au moment où éclata la guerre avec le Brésil, et comptaient dans leurs rangs les hommes les plus éclairés de la république. Ils y appelaient de tout leur pouvoir la civilisation de l’Europe avec ses sciences, ses arts et les jouissances qu’elle répand sur la vie. Ils cherchaient de bonne foi à réaliser les doctrines des plus fameux publicistes modernes dont les écrits leur étaient familiers. Les nombreux étrangers établis dans le pays trouvaient en eux une protection assurée et les favorisaient de tous leurs vœux. Les fédéraux reconnaissaient, en quelque sorte, pour chef, un homme pour qui l’attouchement du pouvoir a été