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BATAILLE DE LA TABLADA.

marche de l’armée fédérale. À peine avions-nous eu le temps de satisfaire leur curiosité, qu’un aide-de camp vint nous chercher de la part du gouverneur ; nous le suivîmes, et en traversant la plaza, nous aperçûmes des préparatifs de défense. Cette place est carrée comme toutes celles des villes espagnoles, et chacun de ses angles est le point de réunion de deux rues perpendiculaires l’une à l’autre, résultat nécessaire du plan en échiquier sur lequel elles ont été construites. Un profond fossé, garni intérieurement de palissades, en défendait l’abord, et chaque rue était protégée par une pièce d’artillerie destinée à la balayer en cas d’attaque. Le gouverneur nous fit bon accueil, mais refusa de nous délivrer des passeports pour Buenos-Ayres. Ce nouveau contre-temps, dont nous ne pouvions prévoir le terme, nous détermina à louer un appartement en ville, et pour le modique prix de huit piastres par mois, nous eûmes tout le premier étage d’une immense maison, située dans la principale rue, à l’extrémité de laquelle coule le Rio-Primero. Du haut de la terrasse nous dominions toute la ville dont les maisons n’ont généralement qu’un rez-de-chaussée, et notre vue s’étendait au loin dans la campagne. Les personnes auxquelles nous étions recommandés nous fournirent à l’envi tous les meubles nécessaires pour peupler la solitude de notre nouvelle demeure, et nous attendîmes les évènemens.

Le premier dont nous fûmes témoins fut l’arrivée des Tucumanos attendus chaque jour depuis quelque temps. Leur apparition fut une fête pour toute la ville, et quand ils y entrèrent, entourés de la foule qui s’était portée à leur rencontre, mille acclamations les saluèrent, poussées surtout par les femmes qui se pressaient aux fenêtres grillées des maisons en agitant leurs blancs mouchoirs. Un Te Deum solennel fut chanté en actions de grâce, et une longue procession fit le tour de la place au bruit des chants religieux, de la musique de l’armée et du fracas de l’artillerie. Dans les rangs se faisaient remarquer les écoliers de l’université, revêtus de la robe, de la toque et de l’écharpe, que portaient les nôtres, il y a plusieurs siècles, car le temps, qui ailleurs a si profondément modifié l’éducation, a