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pendant lesquelles nous ne pûmes rien apercevoir, quelques gauchos, haletans de fatigue et couverts de sang, parurent, fuyant en désordre vers la ville : ils la traversèrent rapidement, en se répandant de côté et d’autre. Presque au même instant, d’autres les suivirent, et bientôt nous vîmes l’armée fédérale toute entière se dispersant dans toutes les directions, à travers la campagne. Le plus grand nombre des fuyards se dirigea du côté de la Sierra, et nous les perdîmes promptement de vue. Les autres rentrèrent en ville par petits groupes.

Pendant qu’une partie de l’armée unitaire poursuivait les vaincus, Paz entra dans Cordoba, chassant devant lui quelques débris des gauchos, qui se retiraient en tiraillant. Arrivé à l’entrée de la même rue où s’était arrêté Quiroga, il envoya l’un de ses aides-de-camp sommer les fédéraux de la place de se rendre. Cet officier, nommé Tejedor, un des plus beaux hommes de l’armée, était de Mendoza, et s’était distingué dans la campagne contre le Brésil. Une jeune personne de Cordoba, dont il avait gagné l’affection, devait s’unir à lui dans peu de temps. Il touchait à la place, quand du haut d’une terrasse, quatre misérables firent feu sur lui à bout portant. L’infortuné tomba sans vie, et l’ordonnance qui le suivait revint au galop annoncer cet horrible assassinat. Paz n’exerça dans cette circonstance aucune des représailles autorisées par les lois de la guerre, quoique l’armée demandât à grands cris à emporter la place, où probablement pas un de ceux qui y étaient renfermés n’eût échappé à la mort. Ils se rendirent immédiatement, et les quatre assassins, qui n’avaient pu s’échapper, payèrent de leur vie le crime qu’ils venaient de commettre. Le propriétaire de la maison qui avait servi au guet-à-pens, fédéral connu pour tel, fut condamné à une amende de quatre mille piastres qu’il acquitta sur l’heure. La mort de Tejedor ne fut pas la seule que les unitaires eurent à déplorer : un autre jeune homme, non moins digne de regrets et dont le nom m’échappe, périssait en même temps que lui. Emporté par son courage, il s’était engagé imprudemment dans la ville, suivi seulement de cinq hommes. Les gauchos dans leur retraite, voyant cette petite troupe isolée, fondirent sur elle, et tous pé-