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REVUE DES DEUX MONDES.

« Roi des glaives, tu as mangé dans ce miel le cœur sanglant de tes fils. Le noble Atli, me suis-je dit, peut manger de la chair d’homme dans un festin et la distribuer à ses braves.

« Tu n’appelleras plus à tes genoux tes deux enfans, Eirp ni Eitil, le charme de tes heures de festin ; tu ne les verras plus, quand, assis sur ton siège royal, tu distribues l’or à tes guerriers, mettre un manche à une pique, couper la crinière des chevaux, ou dompter des poulains. » Il se fit un grand tumulte sur les bancs et sous les tentes. Les guerriers poussèrent des cris étranges. Les enfans des Huns pleuraient. Gudruna seule ne pleura point ; car elle ne pleura jamais, depuis la mort de Sigurd, ni ses frères au cœur d’ours, ni ses tendres enfans, ses enfans sans défiance, qu’elle avait engendrés avec Atli.

Puis elle profite du sommeil où l’ivresse avait plongé son époux.

« Sa main meurtrière abreuve son lit de sang : elle lâche les chiens, qui s’élancent hors de la salle, et elle réveille les serviteurs par un incendie. Ainsi elle vengea ses frères.

« Elle livra aux flammes tous ceux qui étaient dans l’intérieur, et qui étaient revenus du lieu sombre où périrent Gunar et son frère. Les vieilles poutres tombèrent, le trésor était fumant, les demeures royales brûlèrent, les guerrières qui y étaient renfermées tombèrent, privées de la vie, dans le feu dévorant. »

Tel est le dénouement de cette tragédie lugubre. Tandis que ces diverses scènes sont présentes à notre esprit, transportons-nous dans un autre temps, dans un autre pays, dans une autre littérature. Passons de la Scandinavie à l’Allemagne, de l’Edda aux Niebelungs.

II. LES NIEBELUNGS.

Les Niebelungs ont été rédigés vers la fin du douzième siècle ou le commencement du treizième. On ne sait pas précisément en quel lieu, mais c’est certainement dans le midi de l’Al-