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LA MORT DU DUC DE REICHSTADT.

qui se soutiennent tant que le ressort est monté. Or, nous autres, nous avons brisé le ressort, nous avons jeté la clef de la boîte ; il n’y a plus de son possible au fond de ce buis inerte. Donnez-le, s’il vous plaît, à quelque vieille douairière pour y prendre son tabac.

J’avais donc un beau champ devant moi, même en vous promettant de vous parler poésie à la première occasion. J’étais donc bien tranquille, même avec la bonne volonté de tenir ma parole. Une occasion de parler poésie ! qui me la donnera ? Je savais que la révolution de juillet elle-même, la révolution populaire, cet éclair qui a tout brisé, et puis qui est rentré dans le nuage qui n’en a été que plus sombre, n’avait produit que la Parisienne en fait de poésie ! Songeant à cela, et attendant toujours une occasion, je prenais mes ébats et je restais oisif au soleil, cette éternelle poésie, la seule poésie de ce monde qui garde éternellement sa puissance, sa jeunesse, sa chaleur, sa vertu !

Tout-à-coup une nouvelle (j’ai tort de dire tout-à-coup, c’est une vieille habitude de rhéteur, un commencement de narration qui date de loin, effacez donc tout-à-coup et mettez peu-à-peu), peu-à-peu donc et de huit jours en huit jours, quand les correspondans avaient le temps, un bruit venait de l’Allemagne, une rumeur qui ressemblait à toutes les autres rumeurs. — Le duc de Reichstadt est malade. — Le jeune homme va mieux. — Il languit. — Il va mourir !

Moi et quelques autres sceptiques comme moi, bonnes gens qui admirent très peu dans les temps ordinaires pour avoir le droit d’admirer beaucoup en temps et lieu ; — quelques autres et moi, donc, qui nous étions tenus en réserve vis-à-vis l’Empire et qui avions eu peur jusque-là de l’admirer comme ferait un lecteur du Constitutionnel, — nous étions sortis de notre apathie aux premières annonces de la mort du jeune duc de Reichstadt. L’amour posthume jeté à la tête du père nous paraissait assez bien cette fois placé sur la tête de l’enfant. Nous aimions donc cet enfant. Nous l’aimions, non pas en vieux grognards de vaudevilles, non pas en faiseurs d’opposition systématique, non