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tant quelquefois, mais toujours noble et beau. Voilà pourquoi ne voyant rien venir de Victor Hugo, après trois jours d’attente, j’ai pensé qu’il gardait le silence. J’ai pensé que s’il avait eu à parler du duc de Reichstadt, s’il avait voulu donner un digne pendant à son ode sur la naissance du duc de Bordeaux, Victor Hugo aurait déjà écrit son ode. Mais hélas ! il est bien loin de l’ode. Il est retombé à la tragédie, lui qui s’était élevé jusqu’au roman, et quel roman encore : Notre-Dame de Paris !

Rayez donc celui-là de la liste des lyriques pour dix ans au moins. Attendez pour qu’il se remette en route, qu’il puisse voir quelque chose dans l’avenir. Victor Hugo est le poète de l’avenir. Il faut, pour qu’il se mette en marche, qu’il puisse voir quelque clarté venir de là-bas ! Il n’est pas homme à se mettre en route dans les ténèbres, il veut savoir avant tout où il va ! Il ne peut donc se mettre en marche aujourd’hui. Aujourd’hui quel homme du monde, même M. de Talleyrand, pourrait dire où nous allons ?

Tout au rebours le grand poète chrétien, Lamartine. Celui-ci, plein de foi et d’amour, se plaît de préférence dans les cieux bien noirs. Il a, pour se guider, la foi et l’amour, ces deux anges de la poésie lyrique. Il aime et il croit ! Aussi va-t-il en avant sans s’inquiéter des débris d’autel et de trône qu’il rencontre sur son passage. Quelque chose lui dit dans son âme et dans son cœur que ces débris qu’il aime en poète pourront se relever un jour. Lamartine a chanté Bonaparte, il est vrai, mais il l’a chanté en élève de lord Byron, il l’a chanté pour obéir à ce thème que lui donnait le poète anglais, et que commandait la France guerrière, la France vaincue, la France respectable. Aujourd’hui le poète a trop de chagrins pour s’occuper d’autres malheurs que de ses propres malheurs. Voyez ce que la révolution de juillet a fait en son âme ! Elle l’a désolée dans sa double croyance ! Elle l’a privé de toute espèce d’enchantement ! Elle lui a gâté sa maison des champs, sa jeune famille, sa femme, son chien fidèle, sa vigne qu’il a plantée ; elle a tout refusé à ce noble poète, la révolution de juillet, tout refusé jusqu’à cette chose que donne la société aide-toi, le ciel t’aidera, je veux dire une place à la chambre des députés. Lamartine qui n’a pas pu