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LETTRES PHILOSOPHIQUES.

de voir quelques jeunes gens sous le charme inexplicable des plus fastidieuses folies ; mais il fallait les laissera eux-mêmes, et ne pas déployer contre eux l’apparence d’une persécution. Pourquoi les troubler dans la retraite qu’ils se sont faite ? Ne pourra-t-on pas en France être absurde librement ? Ne saurions-nous d’ailleurs posséder parmi nous une petite secte, quand l’Amérique en compte quelques mille ?

Que reste-t-il donc, monsieur, du saint-simonisme ? Les questions, les problèmes et les idées. Je puis dès aujourd’hui vous signaler les indices d’études continuées, reprises dans les voies sincères de la science : une partie de l’ancienne école saint-simonienne travaille à s’ouvrir une route philosophique, a pour organe la Revue encyclopédique, manifeste une foi vive dans la puissance de la pensée, des talens notables, et des convictions vigoureuses. D’un autre côté, l’Européen est la tribune de l’école philosophique, qui, dans l’origine, se rattachait à Saint-Simon ; on pourra dans peu l’apprécier entièrement ; elle va publier le fruit de ses travaux : Introduction à la science de l’homme, ou science du développement de l’humanité, tel est le titre du livre qu’elle nous promet. Tous ces esprits, tous ces jeunes hommes, tous ces efforts, vont au même but : chez eux, et chez beaucoup d’autres encore, disséminés, silencieux, fermente le désir de fonder la liberté par la réflexion, et d’unir la cause de la sociabilité à celle de la philosophie : ils sentent aussi que les efforts de l’esprit combinés portent des coups plus sûrs que les tentatives solitaires ; le temps viendra où l’on verra des dissentimens qui survivent encore, disparaître, des nuages s’effacer pour faire place à une solidarité immense, reconnue, embrassée avec ardeur, à une association naturelle et simple où pourront se mouvoir au large les originalités fortes et les naïvetés délicates. Il n’y a pas besoin pour un pareil but de jonglerie franc-maçonique ; le fond importe seul : avez-vous des entrailles pour le peuple, voulez-vous qu’on l’instruise, qu’on le relève ? Croyez-vous aux destinées de la liberté moderne ? Apportez-vous créance dans la puissance de l’esprit humain ? Comprenez-vous, désirez-vous le progrès de l’humanité ? Il suffit,