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REVUE DES DEUX MONDES.

M. le docteur Velpeau lit une notice sur une fistule laryngienne, guérie au moyen d’une opération nouvelle.

Cette opération a été pratiquée sur un jeune homme, âgé de vingt-quatre ans, qui au mois de mars 1831, avait essayé de se suicider en se coupant la gorge avec un couteau. Secouru à temps, il fut rappelé à la vie, mais il conserva au larynx une ouverture, qui, après la cicatrisation des bords, offrait encore une étendue de deux pouces en largeur. Entré à l’Hôtel-Dieu de Paris vers le milieu d’octobre 1831, il fut soumis le mois suivant à une opération, au moyen de laquelle on espérait obtenir l’oblitération de la fistule. Les bords de l’ouverture furent disséqués dans l’étendue de trois à quatre lignes latéralement, avivés parallèlement à l’axe, puis rapprochés et maintenus en contact à l’aide de quatre points de suture entortillée. La réunion qu’on avait attendue n’eut pas lieu, et à la levée de l’appareil, on vit que les aiguilles avaient toutes coupé les tissus. Néanmoins la plaie étant devenue rouge et celluleuse, on put croire qu’en tenant la tête immobile et fortement fléchie sur la poitrine, on parviendrait à la cicatriser. Cette attente fut encore trompée, et avant qu’on eût pu recourir à un autre moyen, le malade se détermina à sortir de l’hôpital.

Il se présenta, au mois de février 1832, à l’hôpital de la Pitié. Sa plaie calleuse, entourée d’une cicatrice dure, inextensible, permettait aisément l’introduction du petit doigt ; elle occupait la ligne médiane, un peu plus à droite qu’à gauche, et avait son siége entre l’os hyoïde et le cartillage thyroïde. Le malade la tenait habituellement fermée avec un bouchon de charpie. La salive et les mucosités bronchiques s’en échappaient sans discontinuer, à moins que la tête ne fût abaissée. Dans cette position, il pouvait parler, quoique d’une voix, rauque et saccadée, mais son menton n’avait pas plus tôt abandonné sa poitrine qu’il cessait de pouvoir se faire entendre.

M. Velpeau, dans le service duquel ce malade était entré, et qui ignorait qu’il eût déjà été soumis à un traitement, eut d’abord l’idée de pratiquer sur lui une opération semblable à celle qu’avait exécutée M. Dupuytren à l’Hôtel-Dieu ; mais dès qu’il eut appris que ce savant chirurgien n’avait pas obtenu de succès par ce procédé, il n’espéra pas en obtenir lui-même, et il dut songer à quelque autre moyen. Tous ceux qu’il imagina d’abord présentaient des inconvéniens plus ou moins graves et des chances de réussite assez minces ; enfin il eut l’idée, non plus de rapprocher les parties séparées, ce qui devenait presque impossible, eu égard à la grande déperdition de substance qui avait eu lieu, mais de remplir l’intervalle qu’elles laissaient entre elles au moyen d’un bouchon vivant qui pût se souder à leurs bords. L’opération fut pratiquée le 11 février 1832. Un lambeau de peau, large d’un pouce, long de vingt, fut taillé sur le devant du larynx, puis renversé de bas en haut. On ne lui laissa qu’un pédicule large de quatre lignes, puis on le roula sur sa face cutanée, de manière à en faire un petit cylindre, un bouchon, en un mot, qui fût introduit dans ce trou, dont les bords avaient été préalablement raffraîchis. Le tout fut traversé par deux longues aiguilles, et maintenu par la suture entortillée. La réunion eut lieu d’une manière complète à la partie supérieure. Un mois après, on ne voyait plus de