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dente ; cette partie forme comme le supplément à un travail plus ancien du même auteur, sur les organes vénéneux des serpens.

Pendant long-temps on n’avait considéré comme serpens à venin, que ceux qui présentaient à la partie antérieure de la bouche des dents longues, susceptibles de se redresser et pourvues d’un canal intérieur destiné à conduire le venin jusqu’au fond de la plaie ; enfin, on soupçonna que plusieurs serpens, quoique destitués de crochets à venin, ne laissaient pas que de faire des blessures dangereuses. Le soupçon se changea bientôt en certitude, et Reinward d’une part, Boyé de l’autre, désignèrent comme venimeuses des espèces qui avaient été jusque-là, rangées parmi les couleuvres. Deux anatomistes, Schleyel et M. Duvernoy, cherchèrent alors en même temps et à l’insu l’un de l’autre, et trouvèrent les causes du phénomène annoncé dans des particularités d’organisation des animaux qui le présentaient.

M. Duvernoy reconnut que les crochets mobiles antérieurs ne forment pas le seul appareil à venin, et que chez d’autres espèces à morsures dangereuses la dent chargée d’introduire le poison est fixe, située tout-à-fait en arrière des autres dents maxillaires, et creusée d’un simple sillon, au lieu d’être percée, dans toute sa longueur, d’un canal complet. Six espèces parmi celles que renferme le Muséum de Paris, offrirent à M. Duvernoy cette particularité, et ce sont les seules qu’il ait indiquées dans le premier mémoire auquel nous avons fait allusion. De retour à Strasbourg, il retrouva dans les collections de cette ville quatre espèces dans le même cas. De plus il reconnut la présence de crochets mobiles sur un serpent qui, jusque-là en avait été cru dépourvu et rangé en conséquence parmi les couleuvres. M. Duvernoy, dans son nouveau travail, décrit dans un grand détail tout ce qui a rapport à l’appareil à venin des quatre serpens à crochets postérieurs, et ajoute, à ce qu’il avait fait connaître précédemment relativement aux six autres, plusieurs détails importans.

Dans un article à part, il traite de la glande lacrymale chez les serpens venimeux, il montre que chez ceux qui sont pourvus de crochets antérieurs, cette glande est moins développée que chez ceux à crochets postérieurs ou chez les serpens innocens ; le volume de la glande à venin s’opposant chez les premiers au développement des glandes voisines. Il faut observer en outre que la glande lacrymale, offrant son maximum de développement chez des serpens dont les yeux sont comme rudimentaires, les Typhlos, il ne paraît pas que son usage soit en rapport avec la fonction de la vision ; on pourrait croire plutôt que le liquide qu’elle sécrète, et qui en définitive se rend dans la bouche, est en rapport avec les fonctions digestives et concourt à l’insalivation des alimens. La situation de la glande lacrymale hors de l’orbite fortifie du reste la présomption que sa destination est étrangère à l’œil.

« M. Duvernoy, disent en terminant les commissaires, aura, par ses recherches, ajouté quelques élémens à ceux qu’on avait pour les classifications très difficiles de l’erpétologie ; son nouveau travail montre comme les précédens que l’amour des recherches de détail ne nuit point chez lui aux vues d’ensemble.