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Les monumens de cette seconde espèce sont ces fictions poétiques communément désignées par le titre de romans de chevalerie, et dont on distingue deux grandes classes, les romans de Charlemagne et ceux de la Table ronde. C’est uniquement de ceux-là que je me suis proposé de vous entretenir, après quelques explications préliminaires.

Ces romans sont en grand nombre, et pour la plupart encore enfouis dans de vieux manuscrits, difficiles à déchiffrer, où ils semblent braver la patience et la curiosité des littérateurs. Ce n’est que par exception, par une sorte d’heureux hasard, que l’on sait à quelle époque ou par qui quelques-uns ont été composés. En général, les auteurs en sont inconnus ; et ce n’est guère qu’à un siècle, ou tout au moins à un demi-siècle près, que l’on peut se flatter d’en deviner la date. Enfin, les données intrinsèques qu’ils offrent ou semblent offrir pour juger du temps et des pays auxquels ils appartiennent, pour apprécier les traditions ou les faits sur lesquels ils ont l’air de se fonder, sont, pour l’ordinaire, des mensonges systématiques, des piéges tendus à la crédulité, en un mot, une difficulté de plus pour l’histoire de cette branche de la littérature du moyen âge.

Heureusement pour moi, je n’ai point à traiter à fond ni directement cette histoire. La tâche que je me suis imposée est plus spéciale et plus bornée. C’est uniquement dans son rapport avec la littérature provençale que j’ai à considérer la littérature épique du moyen âge. Je voudrais seulement constater une fois pour toutes quelle est, dans celle-ci, la part qui revient à la première. — Je voudrais examiner sérieusement, une fois pour toutes, si ce ne furent pas ces mêmes troubadours qui, ayant donné leur poésie lyrique à une partie considérable de l’Europe, lui donnèrent aussi les modèles et les types de l’épopée chevaleresque. Je compléterais ainsi l’aperçu que je vous ai tracé de l’histoire de la poésie provençale : je le terminerais par l’examen de diverses productions qui en forment une branche intéressante jusqu’ici inconnue, ou mal-à-propos réputée étrangère.

Mais ces questions, si restreintes qu’elles puissent paraître dans