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Ce fut alors, et pour remédier à cet inconvénient, qu’il se forma de nouveaux poètes ou de nouveaux chanteurs d’épopée, qui firent profession de prendre les sujets épiques dans leur ordre réel, dans leur succession chronologique ; ce fut à cette nouvelle classe de poètes que l’on donna le nom de cycliques, assez convenablement choisi, pour marquer leur prétention et leur but.

Il y a un rapport véritable entre les poètes romanciers du moyen âge et les anciens aœdes grecs, en ce que les uns et les autres traitaient isolément, partiellement et avec une grande liberté, les traditions nationales qu’ils prenaient pour base de leurs récits.

Les romanciers cycliques correspondent de même, à plusieurs égards, aux cycliques grecs, bien que ces derniers fussent, selon toute apparence, dirigés par un sentiment historique plus positif que ne pouvait l’être le sentiment des premiers. — Mais c’est un point sur lequel je reviendrai par la suite, avec des données nouvelles pour le développer et l’éclaircir. Il me suffit ici d’y avoir touché en passant.

Un des principaux caractères de l’épopée primitive, c’est l’absence de tout mouvement, de toute prétention, de toute forme lyrique. Nous verrons par la suite de quelle manière et par quelle gradation, le ton simple, austère, vraiment épique des premières épopées romanesques, s’amollit et se maniéra sous les influences de la poésie lyrique. Je ne veux noter ici qu’un fait plus positif et plus simple, qui démontre mieux que tout autre la tendance de plus en plus lyrique de l’épopée, du commencement du douzième siècle à la fin du quatorzième.

On trouve déjà, dans certains romans du commencement du treizième siècle, une multitude de passages, où le poète parle longuement et subtilement par la bouche de ses personnages, où il ne manque autre chose que la division par strophes, pour faire de véritables chants lyriques, de ces chants d’amour et de galanterie que les trouvères et les troubadours composaient pour leur compte, quand ils voulaient toucher ou flatter les