Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
50
REVUE DES DEUX MONDES.

prétendue métaphysique était la logique barbare des écoles qui n’avait aucun attrait pour l’esprit vif d’Holberg, et son bon sens cultivé par l’expérience. « Aussi, dit-il, à ma nomination, ceux qui me connaissaient un peu particulièrement présagèrent pour cette science recommandable une fin prochaine, et en cela ils ne se trompaient guères, car j’avoue franchement que je n’ai pas suivi les traces de mes prédécesseurs, et que la métaphysique n’a jamais couru un plus grand danger que sous ma tutelle. Dans le commencement je cachai de mon mieux mes arrière-pensées, et je fis bientôt après mon installation un discours en l’honneur de la métaphysique ; mais ce discours était conçu de sorte que tous les véritables partisans ne purent l’entendre sans colère, s’imaginant qu’au lieu d’un panégyrique de la métaphysique, j’avais prononcé son oraison funèbre. »

Holberg alors s’occupa encore une fois de travaux historiques pour lesquels il avait plus de vocation. C’est du sein des recherches, des compilations, des dissertations latines, que sortit son premier écrit poétique. Cet évènement le surprit autant que personne : jusques alors il ne s’était senti aucun attrait pour la poésie. Loin de là, elle lui inspirait une sorte de répugnance ; et s’il lisait quelquefois les poètes latins, c’était une violence qu’il se faisait pour s’exercer dans leur langue. « C’était, dit-il, pour moi comme une potion désagréable qu’on prend, parce que le médecin l’a prescrite. »

Cependant un beau jour, fatigué de cette foule de poèmes de circonstances, d’épithalames, d’épitaphes qui pleuvaient autour de lui, il s’avisa d’essayer aussi d’être poète ; et, pour son coup d’essai, il choisit la sixième satire de Juvénal, la plus violente, la plus âpre, la plus effrénée de toutes, et la traduisit en vers. Cet homme de qui devait dater la poésie danoise n’en savait pas encore les règles. Un sien ami lui enseigna la partie technique de l’art, et le début de ce novice fut Pierre Pors (Paars), poème héroï-comique, où sont racontées avec une pompe homérique les aventures d’un artisan danois, qui fait une traversée de quelques lieues pour aller voir sa prétendue. La sensation que produisit cette Odyssée burlesque fut prodigieuse : Pierre Pors fut, dans