Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/543

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
539
ROMANS CARLOVINGIENS.

n’agissent ni Charlemagne, ni aucun autre roi carlovingien, et dont des chefs particuliers sont les héros. Tels sont ceux, en grand nombre, et la plupart fort intéressans, où figurent Aimeri de Narbonne, Guillaume-le-Pieux, et d’autres personnages historiques, ou non, également fameux chez les poètes des douzième et treizième siècles, par des exploits réels ou supposés contre les Arabes d’Espagne.

Il n’y a aucune raison pour faire de ces romans une classe à part : ils sont inspirés par le même motif général que les précédens, et conçus dans le même esprit. Ils ont tous, sinon précisément le même degré, du moins le même fonds de vérité historique : ils sont tous l’expression plus ou moins idéalisée, plus ou moins merveilleuse dans les accessoires d’un seul et même fait, de la longue lutte des populations chrétiennes de la Gaule contre les populations musulmanes de l’Espagne et de l’Afrique, durant les huitième et neuvième siècles.

J’ai dit que presque tous ces romans furent composés du commencement du douzième siècle à la fin du treizième, c’est-à-dire dans la plus brillante période de la chevalerie.

J’aurais pu dire tout aussi bien qu’ils furent composés dans la période des croisades, comprise dans la première. Mais on a dit plus : l’on a avancé qu’ils avaient été composés à propos des croisades et dans la vue de les favoriser. Le fait est que la tendance générale des romans dont il s’agit était favorable aux croisades, et si l’on s’était borné à dire que le zèle pour celles-ci fut pour quelque chose dans la popularité des premiers, en fit peut-être faire ou refaire quelques-uns, on aurait dit une chose de peu d’importance, mais vraisemblable.

Si l’on a voulu dire que ce fut uniquement et expressément dans l’intention de favoriser les croisades que furent inventés et composés les romans où l’on chantait les anciennes guerres des chrétiens de la Gaule avec les musulmans d’outre les Pyrénées, on a dit une chose qui est également contre la vraisemblance et contre la vérité. Il est impossible de concevoir l’existence de ces romans, si on les suppose brusquement inventés, et pour ainsi dire de toute pièce, trois ou quatre siècles après les