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en France et rediront la terrible hospitalité du Bellérophon, et lorsque ces chants d’ironie et de larmes retentiront au-delà du canal, les joues de tous les honnêtes Anglais se couvriront de rougeur. Mais un jour viendra où ce chant se fera entendre sur les ruines de l’Angleterre ; les tombes de Westminster seront en ruines et dispersées ; la royale poussière qu’elles renferment, livrée aux vents et oubliée. Et Sainte-Hélène sera le tombeau sacré où les peuples de l’Orient et de l’Occident viendront en pèlerinage sur des vaisseaux pavoisés.

Merveille ! les trois plus grands adversaires de l’empereur ont éprouvé un sort également misérable. Londonderry s’est coupé la gorge ; Louis xviii a pourri sur son trône, et le professeur Saalfeld est toujours professeur à Goëttingue.


C’était par un clair et froid jour d’automne. Un jeune homme, ayant l’aspect d’un étudiant, se promenait lentement dans les allées du jardin de la cour à Dusseldorf. Quelquefois, comme par humeur enfantine, il repoussait du pied les feuilles roulées qui couvraient le sol ; mais d’autres fois il levait douloureusement les yeux vers les branches desséchées des arbres qui soutenaient encore quelques petites feuilles jaunies. Cette vue lui rappelait les paroles de Glaucus :

 
« Comme les feuilles dans les bois, ainsi vont les races des hommes ;
« Le vent jette à terre et dessèche les feuilles, et au printemps,
« Il vient d’autres feuilles, d’autres bourgeons ;
« Ainsi la race humaine ! celui-là vient, l’autre passe. »

En des jours écoulés le jeune homme avait levé ses regards sur ces arbres avec d’autres pensées : c’était alors un petit garçon, cherchant des nids d’oiseaux et des hannetons d’été, qui lui plaisaient fort lorsqu’ils bourdonnaient et se réjouissaient de cette belle vie, contens d’une savoureuse feuille verte, d’une goutte de rosée, d’un chaud rayon de soleil et de la douce odeur des herbes. Dans ce temps-là, le cœur de l’enfant était aussi joyeux que ces légers insectes. Depuis, son cœur était devenu vieux : le soleil n’y pénétrait plus ; les fleurs n’y avaient plus de parfum ; le doux rêve de l’amour y était même effacé. Dans ce pauvre cœur ne se trouvait plus rien que courage et