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créature du monde, si je faisais une telle sottise. Non, madame, mon argent n’est pas d’assez bonne condition pour vous


Ensuite arrivent toutes sortes de gens, des médecins, barbiers, diseuses de bonne aventure, puis les inquiétudes à la Sganarelle du mari, qui, à la fin, est convaincu plus que le spectateur du peu de fondement de ses craintes.

Holberg excelle dans la farce proprement dite. Une verve intarissable de satire et de gaîté anime plusieurs de ses pièces, dont l’ensemble n’est pas disposé avec un grand art.

Une comédie en un acte, intitulée la Fête de Noël, dont le fond est fort peu de chose, est une de celles qui, dans son origine, obtint le succès le plus populaire et le plus bruyant. Elle le devait au mérite de reproduire, avec une grande vérité et une grande vivacité, les folies bizarres auxquelles on se livrait du temps d’Holberg aux fêtes de Noël ; reste grotesque et dénaturé des joyeuses solennités par lesquelles l’ancienne religion scandinave célébrait à cette époque le solstice d’hiver, et qui, adoptées comme plusieurs autres usages païens par la religion catholique, avaient fini par lui survivre.

Le pédantisme était pour Holberg un ennemi personnel dont il avait eu souvent à se plaindre, et qu’il attaque dans un grand nombre de ses comédies. C’est surtout dans le faux Savant qu’il se livre à cette colère, qui est du ressentiment. Un jeune paysan, qui a étudié, revient dans son village, et il écrase de sa supériorité et de son mauvais latin son père, son frère, sa prétendue et jusqu’au pasteur, la tête forte de l’endroit. Une scène qui ne manque pas de force comique, est celle où il perd toute la considération que lui avait acquise son jargon ridicule et pédantesque, parce qu’il a eu le malheur d’émettre quelques vérités incontestables, par exemple le mouvement de la terre autour du soleil. Dès ce moment, il est ruiné dans l’esprit de tous ses admirateurs, et il n’y a pour lui que des brocards. La fausse science fait un si bon effet pour la réputation ; gardons-nous de la vraie qui peut tout gâter !