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ROMANS DE LA TABLE RONDE.

mens, cette institution fut une tentative du clergé pour réformer, dans l’intérêt de la religion et de la société, la classe féodale et guerrière, pour mettre au service de la justice et de l’ordre la force indisciplinée et brutale des seigneurs féodaux.

Mais cette institution, créée par le clergé et dans son intérêt, ne tarda pas à lui échapper, et à se développer tout autrement que ne l’avaient prévu et que ne le voulaient ses auteurs. — La caste féodale et guerrière, religieuse à sa manière, garda de la chevalerie ce qu’elle avait de favorable à la religion ; mais elle y fit entrer d’autres principes, d’autres idées, qui ne tardèrent pas y dominer. — Ce furent l’amour, la galanterie, le goût des aventures, l’exaltation de la vanité guerrière, qui en devinrent l’âme et l’objet ; elle fut organisée et systématisée dans la vue de satisfaire toutes ces passions réunies. — Cette chevalerie libre, mondaine et galante, simple résultat du mouvement général de la civilisation, ne resta pas seulement indépendante du clergé, elle lui devint odieuse et hostile. — La lutte qui avait commencé entre les descendans armés des conquérans barbares et les prêtres continua entre ceux-ci et les chevaliers.

En définitive, ce projet qu’avait eu le clergé de réformer, d’approprier, pour ainsi dire, à son service la caste guerrière ; ce grand projet manqua.

Toutefois le clergé ne perdit jamais complètement sa première influence sur la chevalerie ; il eut même ce que l’on pourrait appeler sa chevalerie, une chevalerie selon ses idées : celle des milices religieuses, instituées pour faire la guerre aux ennemis de la foi, particulièrement les Templiers et les Hospitaliers.

Ainsi donc, il y eut deux chevaleries nettement distinctes l’une de l’autre, ou, si l’on veut, il y eut dans la chevalerie la lutte de deux principes, deux intentions contraires : l’une, mystique, pieuse, sévère, tendant à restreindre l’institution à un but religieux, à faire du chevalier un moine chrétien armé pour la foi ; l’autre, naturelle, mondaine, faisant de l’amour de la gloire et de la quête volontaire du péril, le but immédiat et la récompense des actions du chevalier.

C’est de cette dernière chevalerie amoureuse et aventureuse