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fallait pour en compenser la fatigue et les privations. Le ciel était assuré à tout templiste ; et sur la terre même, dans les combats qu’il était incessamment obligé de livrer, il jouissait de priviléges surnaturels qui lui rendaient l’accomplissement de sa tâche facile. Par exemple, combattant le jour même où il avait vu le graal, il ne pouvait être blessé, ni frappé d’aucun autre malheur. Combattant dans un intervalle de huit jours, à partir de celui où il s’était trouvé en présence du vase saint, il pouvait être blessé, mais non tué. Tous ces avantages, le chevalier du graal ou le templiste ne les avait qu’à la condition de rester chaste, non-seulement de corps, mais d’esprit. Une pensée impure les faisait perdre, et nul ne les recouvrait que par la pénitence.

Un trait assez remarquable de l’organisation de cette chevalerie idéale, c’était que nul templiste ne devait répondre à aucune question qui lui serait faite sur sa condition et son office de templiste. Il y a plus, il devait refuser son assistance et sa présence à quiconque lui aurait fait cette question ; et si loin se trouvât-il alors du temple du graal, il devait y retourner sur-le-champ.

On se figure bien quelle haute dignité ce devait être que celle de chef de cette sainte chevalerie, et il n’est pas étonnant que les romanciers aient imaginé une race de héros prédestinés par le ciel à cet office. Le chef prenait le titre de roi du graal ; et comme on avait supposé ce titre héréditaire dans la race de Perille, il avait bien fallu modifier un peu, dans les chefs de cette race, les conditions imposées aux simples chevaliers, pour être admis au service du vase merveilleux. Ainsi, par exemple, il avait fallu leur permettre d’aimer ; mais cet amour auquel le graal autorisait le roi de ses gardiens, ne devait avoir rien de commun avec l’amour chevaleresque. Il se bornait à prendre une épouse, et à rester saintement avec elle dans les plus strictes limites du mariage. Sa pensée devait rester pure de toute réminiscence et de tout désir tyrannique des plaisirs sensuels, sous peine de perdre, comme le plus simple chevalier, les priviléges les plus précieux attachés au service et au culte du saint vase.