Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/700

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
700
REVUE DES DEUX MONDES.

cycle carlovingien, désignés par la dénomination spéciale et caractéristique de chanson ; mais je pense que s’ils l’étaient quelquefois, c’était d’une manière impropre, et comme par exception. Plusieurs de ceux que j’ai vus sont qualifiés par leurs propres auteurs du titre de contes, ou de celui plus vague encore de roman ; et je ne puis guère supposer que ce titre leur fût donné au hasard, ou comme l’équivalent de celui de chanson ; et il est beaucoup plus probable que c’était à dessein, et pour les distinguer des romans carlovingiens, qu’on leur donnait quelquefois au moins un autre nom qu’à ces derniers.

Ces raisons seules suffiraient pour me faire douter que les romans épiques du cycle de la Table ronde aient été composés pour être chantés et l’aient jamais été. Mais ce qui achève de me convaincre là-dessus, c’est leur énorme longueur. Il n’y a pas moyen de se figurer des ouvrages d’une telle dimension circulant par la voie du chant, ni faits pour ce genre de publication. Tout oblige à croire qu’ils étaient composés pour être lus, et par conséquent destinés à la haute classe de la société, la seule où il pût y avoir des lecteurs. Il n’y avait encore à cette époque, pour la masse du peuple, d’autre poésie que celle chantée dans les rues et sur les places des villes, par les jongleurs poétiques.

Il paraît toutefois que l’on détachait de ces grands romans des passages particuliers plus frappans ou plus touchans que les autres, et qu’on les arrangeait en forme de chants populaires.

Nous savons du moins qu’il y eut de bonne heure, en Italie et en Espagne, de petits chants épiques, dont le sujet était tiré des romans de la Table ronde. Les chants italiens, n’ayant jamais été recueillis par écrit, ont péri depuis des siècles. Quelques-uns de ceux des Espagnols subsistent encore, sous la forme de romances, dans les recueils de ce genre, publiés au xvie siècle et depuis. Il est très probable qu’il y eut des chants analogues à ceux-là dans les différentes contrées de la France, où avaient été composés les premiers romans de la Table ronde et les plus célèbres.

Mais, en dépit de quelques chants détachés, tirés de ces