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chagrine, bilieuse, travaillant à se créer un milieu, une doctrine entre l’indépendance et la soumission, protestante sans l’avouer, hypocritement rebelle, sifflée par les philosophes, abhorrée par les vrais catholiques, remplaçant la charité par les plus aigres rancunes, sans véritable grandeur, et qui, n’était la plume de Pascal, n’eût jamais obtenu l’éclat de la popularité. Et Pascal, monsieur, n’était pas, à vrai dire, un janséniste : il avait trop de sens pour être sectaire ; mais il ne put résister au plaisir d’écrire une invective immortelle ; ses amis l’entouraient, lui apportaient des notes, lui transcrivaient des passages, l’excitaient à une gloire divertissante. Pascal se reposa de la géométrie en injuriant les adversaires de Port-Royal ; il donna cours à sa verve ; il se fit pamphlétaire avant Voltaire et Benjamin Constant : voilà tout le jansénisme de Pascal.

Vous concevez, monsieur, comment en France au dix-huitième siècle la religion et la philosophie se séparèrent pour se combattre ; la religion se montrait superstitieuse, bigote, sans talens ; la philosophie se produisait hardie, facétieuse, éloquente ; les grands hommes étaient de son côté, signe infaillible de la victoire et de la vérité : aussi la société ne resta pas long-temps en suspens, et la philosophie put jouir à longs traits des humiliations de sa rivale. La scène change encore ; elle ne se passe plus dans le royaume des idées, et l’église comparaît devant la révolution française. Quel choc d’opinions et d’intérêts ! quelle accablante sentence portée contre les vieux établissemens de la religion ! que de haines s’emportant jusqu’à la fureur ! que de tristes représailles d’intolérance et de cruauté de la part de l’esprit philosophique ! Vous connaissez, monsieur, les malheurs et les persécutions endurées par l’église ; beaucoup d’hommes déployèrent dans ces épreuves cette foi inébranlable pour laquelle le martyre n’est pas un effort : mais je ne sais si l’église elle-même a su recueillir de tant de catastrophes de salutaires enseignemens pour sa propre conduite ; elle a enveloppé dans son ressentiment la révolution tout entière, le génie de la liberté comme ses excès, elle semble n’avoir pas mieux compris son siècle après ses disgrâces qu’auparavant : elle a commencé