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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/111

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MŒURS DES AMÉRICAINS.

rannie qu’un étranger ne subit que là, et qu’on ne rencontre, si j’en puis juger par ma propre expérience, dans aucun autre pays civilisé.

« Le Français vient visiter l’Angleterre ; il est abîmé d’ennui à nos longs dîners ; il hausse les épaules à nos ballets ; il rit à gorge déployée de notre passion pour les chevaux, de notre prédilection pour le roast-beef et le plum-pudding. L’Anglais lui rend sa visite ; en descendant de voiture, il court aux Variétés voir les Anglaises pour rire, et si du milieu des éclats de gaîté qu’excite cette pièce, vous entendez un éclat plus bruyant et qui dénote une sympathie plus cordiale, cherchez et vous trouverez qu’il sort de la bouche de cet Anglais.

« L’Italien débarque dans notre verte Angleterre, et tout d’abord, le climat lui en paraît insupportable. Il jure que l’air qui altère une statue ne convient point à un homme ; il soupire après les orangers et le macaroni, et sourit aux prétentions poétiques d’une nation au sein de laquelle l’épopée n’est point chantée dans les rues. Et cependant nous accueillons le délicat habitant du midi avec bonté, nous écoutons avec intérêt ses plaintes, nous cultivons dans nos serres les orangers de sa patrie, nous apprenons le Tasse à nos enfans, dans l’espérance de lui être plus agréables.

« Et toutefois nous ne surpassons aucun peuple de l’Europe dans cette tolérance, et le désir de profiter de la censure des étrangers ne nous est point particulier. Nous rions de nos voisins, nous critiquons leurs ouvrages aussi librement qu’ils font des nôtres, et ils se mêlent à notre gaîté et ils adoptent nos modes et nos coutumes. Ces plaisanteries réciproques n’engendrent entre eux et nous aucun mauvais sentiment ; et tant que les gouvernemens sont en paix, les individus des différentes nations de l’Europe se font un plaisir et un point d’honneur de se visiter, de se voir, de comparer et de discuter les singularités qui les distinguent ; et tous, d’une opinion unanime, considèrent comme une preuve de bon sens et de bon goût d’emprunter à leurs voisins ce qui peut embellir la vie et en adoucir les sentiers.

« Les heureux effets de ce sentiment se font remarquer maintenant plus que jamais dans les différentes capitales de l’Europe. Vingt années de paix ont donné le temps à chaque nation d’emprunter ce qu’il y avait de bon dans les manières et les coutumes des autres, et il s’en est suivi un progrès rapide dans la civilisation et les idées de toutes.

« Pour quiconque est accoutumé à de telles relations et à un tel esprit, le contraste que présente le Nouveau-Monde est insupportable, et c’est là sans aucun doute une des principales causes de ce sentiment pénible avec lequel on se souvient des heures qu’on a passées en Amérique.

« Prononcez un mot, et que ce mot indique un doute que quelque chose