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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/127

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REVUE. — CHRONIQUE.

M. Charles Nodier dit de ses Souvenirs de Jeunesse, dans leur dédicace à Lamartine, qu’ils sont le plus intime de ses livres, celui qui est le plus sien, celui qu’il aime le mieux, et nous partageons bien cette prédilection de l’auteur ; c’est que ce livre est pour nous comme le résumé de tous ses livres ; et puis, c’est là surtout qu’il faut étudier ces premières impressions du poète, source brûlante où s’est colorée sa pensée, où s’est trempé son style. Là, nous retrouvons révélées avec plus de franchise et de naïveté ces situations personnelles qu’il avait prêtées déjà aux personnages de ses autres ouvrages. Enfin, c’est là qu’est le thème qu’il a tant de fois depuis et si heureusement varié ; et chacun sait combien de plaisir l’on éprouve à entendre le simple motif d’un air après s’être laissé d’abord ravir aux brillantes fantaisies qu’y a brodées le musicien.

Les Souvenirs de Jeunesse se composent de quatre nouvelles bien distinctes.

Séraphine est plutôt un souvenir d’enfance que de jeunesse ; c’est bien le premier amour, l’amour involontaire et qui s’ignore lui-même, celui dont le souvenir suffit à rajeunir encore une ame usée et flétrie. Il y a là toute cette fraîcheur de la matinée qui embaume le cœur et les sens, et dont le midi, si radieux et si doré qu’il soit ; ne fera jamais oublier les timides parfums.

Dans Clémentine ; voici le jeune homme, le jeune homme inquiet et tourmenté, le jeune homme avec sa fougue indomptable, avec sa joie effrénée, avec ses larmes de feu. De quelle poésie passionnée, de quelle fantastique exaltation est remplie cette nouvelle, et surtout la scène qui la termine, cette dernière entrevue des amans à leurs croisées pendant l’orage, à la lueur des éclairs, au bruit du tonnerre !

Dans Amélie, c’est le jeune homme encore, le jeune homme aimant avec tout ce qui lui reste d’amour, mais abattu, mais découragé, mais n’osant plus croire à l’avenir, désespérant du bonheur. C’est qu’en effet son cœur, brisé déjà deux fois, va se briser de nouveau ; c’est que ces deux premières femmes qu’il avait aimées sont mortes, et que la troisième va lui mourir encore entre les bras. Séraphine, Clémentine, Amélie, doux fantômes ! Avec quelle religieuse tristesse, avec quelle mélancolie profonde et touchante le poète évoque ces ombres chères, et les fait apparaître et glisser devant nous si pâles et si belles, voilées de leurs linceuls !

Mais pourquoi, quand nous avons pleuré de toutes nos larmes ces trois jeunes filles ; pourquoi, quand nos yeux sont tout mouillés encore, pourquoi vouloir nous faire sourire ? Après Séraphine, Amélie et Clé-