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ROMANS PROVENÇAUX.

certaine précision les faits de l’histoire littéraire des xiie et xiiie siècles, on conviendra qu’il ne peut guère y en avoir de mieux prouvé que celui que j’ai voulu prouver, savoir que la plus ancienne rédaction connue de la fable poétique du Graal, en tant du moins que cette fable est renfermée dans les aventures de Titurel et de Perceval, appartient aux poètes provençaux du xiie siècle.

Je ne me figure pas que les preuves de ce fait puissent être contestées : je ne crois pas que le témoignage d’un minnesinger très-connu et très-distingué, se donnant sérieusement et à plusieurs reprises pour le traducteur (au moins quant au fond des choses) d’un poète provençal qu’il nomme, ait besoin de confirmation. Toutefois, je citerai encore un fait à son appui, et le citerai moins pour le besoin de ce cas particulier, que pour mieux en faire apprécier la valeur dans tous les cas analogues.

Je reviens une fois encore aux allusions des troubadours à des ouvrages épiques. Puisqu’il y a beaucoup de ces allusions qui se rapportent à des romans aujourd’hui perdus du cycle carlovingien ou de la partie profane du cycle breton, ce serait une sorte de fatalité qu’il n’y en eût pas aussi quelques-unes relatives aux romans religieux du Graal. Mais celles-là n’y manquent pas non plus. J’en ai trouvé cinq ou six qui ont rapport au Perceval, et qui, par une singularité peut-être assez frappante, comprennent les cinq ou six situations les plus notables du roman, d’après la rédaction de Wolfram d’Eschenbach. Ainsi donc, le témoignage de Wolfram déclarant qu’il a composé son Perceval d’après un modèle provençal, serait, s’il avait besoin de l’être, confirmé par les allusions citées ; et le roman fournit, de son côté, une nouvelle preuve que ces allusions disent bien, et en toute réalité, ce qu’elles semblent dire.

Je ne pousserai pas plus loin cette discussion ; je crois en avoir dit assez pour décider l’opinion du lecteur et justifier la mienne. Il ne me reste plus qu’à présenter sommairement, et sous forme de résumé historique, les principaux résultats de cette discussion dégagés de l’attirail du raisonnement, des conjectures, des hypothèses, des faits et des preuves de détail.