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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/213

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LE CLOU DE ZAHED.

sont fort nombreux, et nos richesses qui surpassent tout ce que vous pouvez vous imaginer. En traversant cette route, mon mari (que la faveur du ciel se répande sur lui comme la rosée du matin sur les palmiers de Baghdad), mon mari a vu votre palais, et il a conçu aussitôt le plus violent désir de posséder ce palais. Il vous a fait offrir en échange par votre tchiaouch la faible somme d’un million de piastres. Pardonnez-lui, seigneur, pour un aussi puissant et aussi opulent bey-zadé que vous êtes, un million de piastres c’est sans doute fort peu de chose, surtout si nous considérons la magnificence de ce sérail et de ces kiosks, la beauté et la fraîcheur de ces jardins que des eaux vives et des arbres précieux coupent si merveilleusement. Il a compris son erreur involontaire, et il est revenu à votre tchiaouch qu’il a chargé de vous proposer deux millions de piastres en échange de votre palais. Vous allez encore le refuser sans doute ; mais apprenez que mon mari a un tel désir de posséder ce bien, et en même temps une crainte si vive de ne pouvoir parvenir à son but, qu’il est tombé depuis huit jours dans un chagrin mortel. Je ne sais quelle idée il attache à cette possession, mais je tremble pour sa vie si son désir n’est pas satisfait. Je viens donc vous supplier, très-grâcieux effendi, de fixer vous-même le prix que vous mettez à la cession de votre palais. Je vous serai éternellement reconnaissante de ce bienfait, puisque vous aurez sauvé les jours de mon mari, et acquis de la sorte des droits éternels à mon estime et à mon amitié.

La dame accompagna ces mots d’un coup d’oeil qui pénétra jusqu’au fond de l’ame de Zahed. Au même instant, le vent vint à soulever les yachmaks ou les voiles de mousseline qui cachaient son visage, et Zahed crut plonger un regard dans le paradis de Mahomet : une figure céleste, un cou plus blanc qu’un collier de perles, des lèvres de rose embellies du plus doux sourire. Il demeura un instant immobile, comme subjugué par un enchantement. Enfin, il promit tout, et la dame se leva pour prendre congé de lui.

Zahed voulut connaître le nom de l’acquéreur qui se présentait.

— Mon mari se nomme Hamdoun-Effendi, continua la dame.

— Hamdoun ! répéta Zahed en fronçant ses noirs sourcils. Et n’êtes-vous pas la belle Ildiz ?