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donné de fragmens divers de plusieurs romans sur le même sujet.

De tous les romans héroïques connus, tant en provençal qu’en français, celui-là est incontestablement l’un de ceux qui présentent dans leur rédaction les signes d’ancienneté les plus nombreux et les plus marqués. Le fond en appartient, selon toute apparence, aux premières années du xiie siècle. La langue en est dure, sèche et peu correcte, mais énergique et pittoresque ; le ton en est on ne peut plus simple, plus brusque et plus austère. Les tableaux des batailles et des délibérations des deux antagonistes avec leurs conseillers respectifs sont les seuls qui soient développés avec un certain soin et dessinés avec quelque détail. Hors de là tout est ébauché à grands traits, indiqué plutôt que décrit. L’auteur s’arrête à peine assez aux situations les plus touchantes ou les moins ordinaires pour donner au lecteur le loisir de les remarquer et de s’y prendre. Tout en un mot dans ce roman porte l’empreinte d’un génie vigoureux, mais inculte et grossier, qui, en s’essayant à peindre une époque qu’il ne connaît pas, nous donne une idée fidèle et vive de celle à laquelle il appartient, et qu’il peint sans s’en douter. D’après cela, messieurs, vous ne trouverez pas extraordinaire que je cherche à vous donner de cet ouvrage des notions un peu détaillées.

La partie du roman qui manque dans le manuscrit ne saurait être considérable, et la portion restante s’y rattache aisément.

Charles, qui sera, si l’on veut, Charles Martel ou Charles-le-Chauve, aime et épouse, à ce qu’il paraît, d’autorité, une dame que le romancier ne nomme pas, mais dont il fait la fille ou la parente d’un empereur de Constantinople. Cette dame et Gérard s’aimaient depuis long-temps, et le comte aurait pu la disputer au roi ; mais par générosité, et dans l’intérêt même de celle qu’il aime, il croit ne point devoir la priver de la couronne impériale ; il consent à ce qu’elle épouse l’empereur, et se résigne à prendre de son côté, pour femme, Berthe, la sœur de son amie. Les deux mariages se sont faits, à ce qu’il paraît, en même temps et dans le même lieu, et le moment est venu où les deux cou-