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GÉRARD DE ROUSSILLON.

de Roussillon, l’un des plus curieux, et je le répète, probablement le plus ancien de son genre. Quelques observations sont indispensables pour compléter cet aperçu.

On voit d’abord, par tout ce que j’ai dit de ce roman, non-seulement que le fond s’en rattache à des traditions historiques, mais que tous les détails, tous les accessoires ont quelque chose de grave et de vraisemblable, qui sort naturellement et simplement du fond des mœurs et des relations féodales, et je ne doute pas qu’avec un peu de patience et de sagacité, on n’y démêlât diverses particularités véritablement historiques, sinon pour l’époque à laquelle se rapporte l’action du roman, du moins pour l’époque de sa composition.

Les noms géographiques y sont assez fréquemment défigurés par les erreurs des copistes, mais toujours reconnaissables, et faciles à rétablir dans leur exactitude. On n’y aperçoit aucune trace de cette géographie arbitraire et fantastique des romanciers des époques subséquentes, et l’on y découvrirait probablement, au contraire, çà et là, quelque notion curieuse pour la géographie de la France au moyen âge. Ainsi, par exemple, il y est question de la ville de Rame, mansion romaine, dont on ne voit plus depuis long-temps que les ruines, sur les bords de la Durance, entre Briançon et Embrun, et qui existait encore, selon toute apparence, du temps de l’auteur de Gérard.

Les caractères sont une des parties remarquables du roman. Ce n’est pas qu’ils soient bien variés, ni délicatement nuancés ; mais ils sont tracés avec vigueur, et contrastés avec un véritable instinct poétique. Foulques, l’un des neveux et des principaux officiers de Gérard, pourrait passer pour son bon génie. Tant qu’il y a lieu à délibérer, il vote toujours pour le parti le plus juste et le plus modéré : quand il n’y a plus qu’à agir, il se dévoue sans considération des obstacles et du péril. C’est l’idéal du chevalier provençal au xiie siècle. Voici le portrait qu’en trace le romancier : je vais tâcher d’en traduire une partie, et de la traduire fidèlement, au risque d’être bizarre et sauvage.

« Voulez-vous entendre les qualités de Foulques : donnez-lui toutes celles du monde ; ôtez-en seulement les mauvaises ; il n’y