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REVUE DES DEUX MONDES.

« Hervin de Cambrai parle à son tour, et bien devrait-il être cru, car ses paroles sont sages, et ses conseils sont bons. — Messager de guerre est mauvais prophète : je vois, dans ce pays, deux dogues furieux, l’un roi et l’autre comte, qui se déchireraient plus volontiers qu’ours et chien… Oh ! que bien prend aux Sarrasins que nous ne leur fassions pas la guerre que nous nous faisons les uns aux autres !

« Quand Charles entend ces mots, il s’en courrouce. — Seigneur Hervin nous a fait un beau sermon, dit-il ; et il n’y a pas un de ces moines de Saint-Denis qui convertissent le peuple, qui soit meilleur prêcheur que lui. Mais il a beau dire : nous ne quitterons ni nos blancs hauberts, ni nos casques brunis, que je n’aie traité comme il convient ce Gérard qui m’a pris ou tué mes hommes.

— Seigneur roi, nous allons donc nous retirer, dit Foulques, et parler en Bourgogne de ce que nous avons vu ici ; et ce ne sera ni de droit, ni de justice, ni d’amour. Votre host est prêt ; nous allons assembler le nôtre ; et nous nous reverrons là-bas, à Vaubeton, dans la plaine où court l’eau de l’Arce.

— Je vous en donne ma parole, dit Charles ; et que celui qui cédera s’en aille en exil aussi loin qu’il pourra ; qu’il passe la mer en barque ou en navire, et ne reparaisse plus.

« Là-dessus Foulques prie Aymes de Bourges, sous la sauvegarde duquel il est venu, de vouloir bien le reconduire.

— Je suis tout prêt à vous reconduire, lui dit Aymes, mais j’ai le cœur triste et noir de voir la férocité de cet empereur. — Ô roi, entendez encore une parole, une dernière parole : acceptez les offres de ces chevaliers, et prenez-les pour otages. — Ce n’est point là ma pensée, répond Charles ; ma pensée est d’entrer ce mois-ci ou le prochain sur les terres de Gérard. Je veux être son moissonneur : je taillerai ses vignes et ses vergers. Je verrai les mille chevaliers que Fouchier doit mener contre moi, lui qui n’a pas mille pas de terre. Mais qu’il prenne bien garde, le larron, à ne point se laisser prendre par chemin ni par sentier ; car je le ferai pendre plus haut que le plus haut clocher.

— Roi, lui répond Foulques, vous parlez trop follement, et n’a-