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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/394

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bilité. Au contraire, un système idéographique n’ayant aucun égard au langage, ne se prête point à ses transformations, et par là les arrête. Un tel système fixe et stéréotype, pour ainsi dire, chaque mot, qui demeure comme incrusté dans le signe unique et immuable auquel il est attaché. Les mots qui existaient quand l’écriture a été inventée, dureront à jamais immuables comme leurs signes. On n’ajoutera point de mots nouveaux au vocabulaire, car comment les peindrait-on ? et même si de nouveaux caractères se forment, on leur appliquera, pour les désigner, des mots déjà existans ; en effet, pour en inventer de nouveaux, il faudrait combiner autrement les élémens de la parole, et ces élémens ne sont pas analysés par l’écriture. En outre, comment ces mots s’uniraient-ils, se fondraient-ils, pour passer de la nature monosyllabique à la nature polysyllabique, quand les signes qui leur correspondent sont nécessairement distincts les uns des autres ? comment s’infléchiraient-ils selon les cas et les temps, quand les signes se refusent, par leur nature, à exprimer la moindre flexion ?

On voit donc, selon moi, que les principaux attributs de la langue chinoise parlée, savoir : le monosyllabisme, le petit nombre et l’inflexibilité des mots, dérivent de cet accident si curieux d’une écriture idéographique inventée à une époque très-primitive et toujours conservée depuis, fait que M. Rémusat a su lire dans cette écriture elle-même.

En 1821, M. Rémusat publia ses élémens de grammaire chinoise, et l’étude du chinois fut complétement établie en France. C’est aussi de cette époque que date l’institution de la Société et du Journal asiatique à laquelle il coopéra si ardemment. Dans une lettre adressée au rédacteur de ce journal, il s’applaudissait, avec un juste orgueil et une convenance parfaite, des progrès qu’avait faits en France la connaissance du chinois depuis huit années, des préjugés vaincus, des entreprises commencées des élèves qui s’étaient déjà formés autour de lui. Heureux s’il n’avait jamais mis son ambition d’influence et son activité qu’au service de si nobles intérêts ! lui et la science y auraient gagné. — Mais revenons à sa grammaire.

Les Chinois, qui ont un grand nombre de dictionnaires, dont