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qui, un peu plus tard, devint reine d’Angleterre, en épousant Henri iii, aurait envoyé à Richard un beau roman provençal sur les amours de Blandin de Cornouailles et de Guillaume de Miramas, son compagnon, et sur les prouesses de l’un et de l’autre, en l’honneur d’Yrlande et de Briande, dames d’une incomparable beauté.

À prendre cet article à la lettre, il renferme autant de bévues et d’anachronismes que d’assertions, et personne jusqu’ici ne pouvait guère avoir l’idée d’en tirer le moindre parti pour l’histoire littéraire du midi de la France. Il en est autrement aujourd’hui, que son exactitude est constatée sur un point essentiel, sur l’existence d’un roman provençal intitulé Blandin de Cornouailles et Guillaume de Miramas. Ce roman se trouve en manuscrit à la bibliothèque de Turin. M. Raynouard en a reçu une copie scrupuleusement collationnée avec le texte, et c’est sur cette copie que j’ai pu prendre connaissance du roman.

Si l’infante Éléonore de Provence envoya à un prince anglais le roman dont il s’agit, ce ne fut certainement pas à Richard Cœur-de-Lion, qui était mort bien avant qu’elle ne vînt au monde. Si, d’un autre côté, comme on n’en peut douter, ce prince entendait le provençal et l’écrivait, ce n’était assurément pas à Marseille, ni d’une princesse provençale qu’il l’avait appris ; c’était à Poitiers, dans la société des meilleurs troubadours de son temps.

Mais la méprise de Nostradamus sur ce point tient à peu de chose, et n’est point difficile à rectifier. Un prince anglais, neveu de Richard Cœur-de-Lion, Richard de Cornouailles, allant en Syrie à la tête d’une croisade en 1240, s’embarqua effectivement à Marseille, et il n’y a rien que de très-vraisemblable à supposer qu’il s’arrêta quelque temps à la cour de Raymond Bérenger, et qu’il y vit la princesse Éléonore, qui put aisément lui offrir le roman dont il s’agit.

J’irai plus loin, et j’avancerai comme une conjecture très-plausible, que ce roman était l’œuvre de l’infante, et avait été composé par elle en l’honneur d’un jeune prince du sang de Richard Cœur-de-Lion, qui, plus encore par sa bravoure que par sa naissance et par son nom, rappelait ce héros de la chevalerie. L’ou-