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suis obligé de supprimer, malgré l’honneur qu’elles font à l’intrépidité de notre jeune chevalier.

Il est au troisième jour de sa quête ; il a demandé à tout ce qu’il a vu des indices sur Taulat, et n’en a trouvé aucun. La nuit approchait ; le pauvre Geoffroi, mourant de faim, tombant de sommeil, meurtri par les coups d’un géant, triste de n’avoir pas de nouvelles de l’ennemi qu’il poursuit, se confiait à son cheval, sans savoir où il était, ni où il allait, lorsqu’il arrive à la porte d’un jardin dont les murs sont de marbre, et dont notre poète trace une assez longue description, que je vais traduire pour donner une idée de sa manière de décrire.

« Il n’y a, dans le monde, arbre rare ni beau, dont il n’y ait là plus d’un. Il n’est ni bonne plante, ni belle fleur, dont il ne se trouve là foison ; et à la douce et suave odeur que l’on y respire, on croirait être en paradis. À peine le jour a-t-il failli, que tous les oiseaux du pays à une grande journée à l’entour viennent là s’ébattre sur les arbres, et puis commencent à chanter jusqu’au jour si agréablement et si doucement, qu’il n’y a point d’instrument de musique qui plaise tant à écouter. »

Ce jardin appartient à une jeune dame non mariée, nommée la belle Brunissende, unique héritière d’une multitude de châteaux, dont celui dans lequel est situé le merveilleux jardin, est le plus beau. Il se nomme le château de Montbrun, et voici la description qu’en fait notre poète :

« Il y avait dans ce château grand nombre d’ouvriers, de bourgeois et d’hommes courtois, vivant toute l’année en joie et en soulas. — Il y avait des jongleurs de toute espèce, qui allaient toute la journée dans les rues, chantant, jouant et dansant, récitant de belles histoires, contant les prouesses et les guerres survenues dans les pays étrangers.

« Là aussi vivent des dames bien apprises, au gracieux langage, de bon accueil, aux belles manières, qui, quand on les requiert d’amour, savent bien parler et bien répondre, bien céder et bien se défendre. — Ce château a huit portes, et à la garde de chaque porte veillent mille chevaliers, dont chacun aime une dame qu’il tient pour la meilleure et la plus belle de toutes. Aussi sont-ils