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CHRONIQUE DES ALBIGEOIS.

S’il parle d’une armée en mouvement, il la décrit marchant entre blés et ramée, c’est-à-dire à travers les champs et les bois.

La guerre est le sujet dont il s’efforce le plus de donner des images fortes et variées. — Voici comment, racontant l’un des trois siéges de Toulouse, il décrit le champ de Montolieu, à l’une des portes de la ville, où les deux partis se battaient fréquemment et avec beaucoup d’acharnement :

« Dans le champ de Montolieu, a été planté un jardin où chaque jour il pousse et bourgeonne quelque chose : mais le rouge et le blanc que donnent là les fleurs et les graines, c’est de la chair, c’est du sang, ce sont cervelles répandues par le glaive. Là, chaque jour, entre péché et merci, le ciel et l’enfer se peuplent d’ames et d’esprits. »

Dans un autre passage, un seigneur du parti toulousain, décrivant d’avance une bataille qui va se livrer, s’exprime de la sorte :

« Et tellement entre eux et nous sera-t-il joué des lances, des massues et des épées, que nous nous ferons aux mains des gants de cervelles sanglantes. »

Je n’ai pas besoin de citer davantage pour constater ce que j’ai affirmé, que l’histoire dont je vous parle se rapproche autant de l’épopée carlovingienne par le ton et le style que par la forme générale. Mais, malgré sa forme et ses couleurs poétiques, c’est une histoire sérieuse, véridique, digne d’étude et de foi : il peut s’y trouver, et sans doute il s’y trouvera, comme dans toute histoire, des erreurs, des méprises, des incertitudes ; mais il n’y a point de mensonge, point de fiction, rien d’imaginé à dessein pour plaire à des auditeurs, ni même rien d’invraisemblable. En faisant abstraction des formes poétiques de cette histoire pour la comparer avec les histoires contemporaines, où le même sujet a été traité d’une manière plus simple ou plus austère, on s’assure qu’elle est d’accord avec ces dernières, quant au fond, à l’essentiel des choses, et que sur les points secondaires où elle en diffère, on peut légitimement hésiter entre l’une et les autres.

J’aimerais à rapprocher ces diverses histoires, cela serait même, à quelques égards, nécessaire ou convenable pour mon