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CHRONIQUE DES ALBIGEOIS.

Se lève le comte de Foix, qui a mainte raison à dire,
Et qui bien la sait dire,
Qui la sait dire avec prudence et sagesse.
Aussi, quand il se lève sur le pavé de marbre,
Beau de personne, frais de visage, prêt à parler,
Toute la cour le regarde, et prête l’oreille,
Et lui s’avance vers le pape, et lui parle avec révérence :
« Seigneur, vrai pape, de qui tout le monde relève,
Qui tiens le poste et le pouvoir de saint Pierre,
Et dois rendre à tous justice et paix,
Seigneur écoute mes paroles, et me rends mes droits.
Je puis me justifier aisément, je suis prêt à jurer en toute vérité,
Que je n’aimai jamais les hérétiques ni aucun homme mécréant,
Que je ne cherchai jamais leur société, ni ne les approuvai dans mon cœur.
Ayant été toujours soumis et fidèle à sainte église,
Nous sommes venus à ta cour demander loyale justice,
Moi et le puissant comte (de Toulouse), mon seigneur, avec son fils,
Que tu vois là, beau, bon, sage et de tendre jeunesse,
Qui n’a pu ni dire, ni faire trahison ou fausseté.

Si donc on ne peut de droit l’accuser, ni avec justice le reprendre
D’avoir failli ou péché envers chose vivante,
Je me demande avec grande merveille pourquoi ni pour quel saint (du ciel)
Un homme juste supporterait de lui voir enlever son héritage ?
Le puissant comte, mon seigneur, le seigneur de si vastes terres,
S’est mis lui-même avec toutes ses terres à ta loyale merci ;
Il t’a rendu la Provence, Toulouse et Montauban,
Et tous ceux qu’il t’a rendus ont été livrés aux tortures et à la mort,
Au pire des ennemis, au pire des hommes,
À Simon de Montfort, qui les garotte et les pend,
Qui les extermine et les outrage sans merci.
Tout ce qui avait mis son espoir en toi,
A péri, ou est en danger de périr.
Et moi-même, puissant seigneur, obéissant à ton ordre,
J’ai rendu mon château de Foix, avec sa noble forteresse ;
Ce château si fort, qu’il se serait défendu du seul et de lui-même.
Où tout abondait, pain et vin ; chair et froment,
Où coule au pied de la roche pendante une eau claire et douce à boire.
Je t’ai rendu ma bonne chevalerie, mes luisantes armures,
Et je ne craignais point de les perdre ;
Il n’y avait force au monde (qui put me les ôter) !
Le cardinal (ton légat) le sait bien, il peut bien, s’il le veut, attester