Que vous connaissez bien l’antiquité, monsieur, et que vous appréciez avec sagacité les causes qui ont précipité la liberté romaine ! Je crois, comme vous, que jamais usurpation ne fut plus nécessaire que celle de César : il succéda à la république devenue désormais impossible, et prit une place légitime entre Brutus et Jésus-Christ. Ne nous étonnons pas, cependant, si les Romains eux-mêmes ne portèrent pas un jugement aussi calme sur la dictature du vainqueur de Pompée : il faut laisser à chaque âge du monde ses impressions et ses vues, et l’humanité ne serait-elle pas appauvrie, si nous ne trouvions pas, chez les vaincus, le glaive de Caton et le poème de Lucain ? J’aime ce jeune Espagnol, qui s’essaie à vingt-cinq ans, dans une ébauche gigantesque, à dégrader la grandeur liberticide de César, et qui, cependant, en dépit de son dessein, frappe avec Salluste, pour l’éternité, l’effigie du maître du monde. Mais, si l’on pouvait dou-
- ↑ Voyez les précédentes lettres dans les livraisons antérieures.