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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/706

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REVUE DES DEUX MONDES.

L’idée mère, l’idée génératrice de Valentine, c’est comme dans Indiana, la violation du serment, la lutte de l’amour contre la Loi, le duel implacable de la passion contre la société. Si jusqu’ici je n’ai rien dit de M. de Lansac, le mari de Valentine, c’est qu’en vérité son rôle est par trop médiocre. Il est si rarement en scène, qu’il est presque réduit à une sorte d’existence abstraite ; c’est plutôt un chiffre, une lettre algébrique qu’un homme vivant de notre vie, animé de nos ambitions. Quand il paraît, il n’est pas inférieur à la mission que l’auteur lui attribue, mais il ne paraît pas assez souvent. Il est trop exclusivement le mari qu’il fallait à Valentine pour faillir ; il est composé tout d’une pièce, sa physionomie est celle d’un automate dressé au rôle de mari ; c’est un diplomate, et je veux bien que l’habitude de discuter les questions de politique européenne le façonne à l’indifférence, à l’impassibilité ; mais au moins devrait-on surprendre parfois, derrière ce procédurier de paix et de guerre, quelques restes du vieil homme. Tel qu’il est, il simplifie, je l’avoue, les préparatifs de la catastrophe ; mais je l’eusse mieux aimé plus complexe et plus actif.

La marquise de Raimbault est une ingénieuse création, qui serait prise pour une caricature, si l’auteur n’avait le soin de ne la risquer en scène qu’à de rares intervalles. C’est un esprit sans cœur, le modèle idéal des femmes du dix-huitième siècle. La comtesse de Raimbault, sa fille, a peut-être le même inconvénient que M. de Lansac ; elle est hautaine, arrogante, fière de son nom comme une parvenue qui a troqué sa dot contre un blason ; mais les perles toutes neuves de sa couronne de comtesse ne suffisent pas à excuser la sécheresse de son cœur. Qu’elle soit méchante, je le veux bien ; mais cette complète absence des sentimens maternels n’est-elle pas une justification trop éloquente de la perte de ses deux filles ?

Louise, sœur aînée de Valentine, est un personnage très-vrai, dont chacun de nous peut retrouver le type dans la société. La honte d’une première faute l’a rendue timide et défiante. Elle est encore capable d’amour, mais elle craint de s’y livrer. Elle résiste, par une raison factice, par une froideur que son cœur dément, aux attaques de Bénédict. Elle invoque le souvenir