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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/128

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REVUE DES DEUX MONDES.

des mers les amphibies sont les seuls parmi lesquels nous devons chercher notre troisième dauphin. Les phoques, dont plusieurs espèces habitent les mers de l’Europe, et que l’on voit quelquefois par grandes troupes sur nos rivages dormant au soleil, ou allaitant leurs petits ; les phoques, dis-je, sont des animaux capables de s’apprivoiser. Péron, dans le tome ii de son voyage, et p. 47, raconte comment, à l’île de King, un phoque à trompe contracta avec un matelot anglais une liaison semblable à celle du dauphin d’Hippone avec l’enfant. Je donnerai ici le passage tout entier.

« Dans les premiers temps de leur arrivée sur l’île, un des pêcheurs anglais, ayant pris en affection un de ces mammifères, obtint de ses camarades qu’on ne ferait aucun mal à son protégé. Long-temps au milieu du carnage, ce phoque vécut paisible et respecté. Tous les jours le pêcheur s’approchait de lui pour le caresser, et dans peu de mois, il était si bien parvenu à l’apprivoiser, qu’il pouvait impunément lui monter sur le dos, lui enfoncer le bras dans la gueule, le faire venir en l’appelant. En un mot, cet animal docile et bon faisait tout pour son protecteur, et souffrait tout de sa part sans jamais s’offenser de rien. Malheureusement ce pêcheur ayant eu quelque légère altercation avec un de ses camarades, celui-ci, par une lâche et cruelle vengeance, tua le phoque adoptif de son adversaire. »

« Tous ces animaux, dit un peu plus loin le même auteur, en parlant des phoques en général, ont une physionomie si douce, si bonne, que je ne doute guère qu’il ne fût possible, en les apprivoisant, de renouveler quelques-uns des prodiges que l’antiquité nous a transmis, au sujet des dauphins, prodiges qui me paraissent, pour la plupart, ne pouvoir convenir qu’à des phoques.

Il me semble qu’après ce qu’on vient de lire, il ne reste plus, pour donner le dernier trait de vraisemblance à notre conjecture sur le dauphin d’Hippone, qu’à montrer que les phoques ou veaux marins ont pu se trouver sur le lieu de la scène. C’est ce qu’il est aisé de prouver par le témoignage de plusieurs observateurs modernes, et notamment de Poiret, qui, dans son Voyage en Barbarie, tome i, p. 260, assure que le phoque se rencontre tout le long de la côte de Barbarie. Des officiers de la marine anglaise l’ont vu jusque dans la profondeur du golfe de Bizerte ; or, Bizerte, c’est justement notre Hippone. Deux villes d’Afrique, à la vérité, portaient ce nom ; mais Pline nous apprend que celle où se passa l’aventure du dauphin était Hippo-Diarrhytum, ou comme on disait plus communément, Hippo-Zariton, nom dans lequel on retrouve aisément le nom moderne de Bizerte.


Roulin.