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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/175

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DE LA MUSIQUE EN ANGLETERRE.

plutôt la cantatrice à la mode. Dès que sa voix se fait entendre, le silence se rétablit. Par cette préférence, la fashion est bien aise d’avertir qu’elle n’est point insensible aux charmes de la musique, et que, si elle n’écoute pas le reste, c’est que ce reste ne mérite pas son attention.

Il était nécessaire que j’entrasse dans ces détails pour achever de faire voir la vérité de la proposition que j’ai plusieurs fois énoncée, savoir : que si la musique ne fait point de progrès en Angleterre, l’absence d’institutions et la manière défectueuse dont la société est constituée en sont les seules causes ; car, encore une fois, je ne crois pas que les Anglais soient absolument dépourvus de facultés musicales. L’aristocratie anglaise qui nuit à tout, parce qu’elle possède toutes les richesses et qu’elle en use sans discernement, fait à la musique plus de mal qu’à toute autre chose, parce qu’elle seule a le temps de s’en occuper, et le pouvoir de la rendre florissante. Si cette aristocratie était moins sotte, si tout ce qui honore l’intelligence humaine n’était lettres closes pour elle, on verrait bientôt les artistes anglais se distinguer dans la musique, comme ils le font en quelques parties de la peinture. Je sais que le climat sombre et lourd de l’Angleterre est peu favorable à la fièvre de l’imagination. Cependant il ne faut pas croire qu’il y soit absolument contraire, car c’est sous l’influence de ce climat que Handel a composé ses plus beaux ouvrages, et cela pendant un séjour de plus de quarante ans. Mais quel avenir y a-t-il pour un compositeur anglais, et même pour un chanteur ou un instrumentiste ? Avec des gens qui ne jugent du mérite d’un artiste que sur des réputations toutes faites, il n’y a point de ressources pour ceux qui commencent. Aussi n’est-il pas rare de voir de jeunes musiciens nés dans la Grande-Bretagne, pleins d’enthousiasme d’abord, se refroidir peu-à-peu par les obstacles qu’ils rencontrent, et se convaincre enfin de la nécessité de considérer l’exercice de leur art comme un moyen d’existence ou de fortune, et non comme le chemin de la gloire.

Mais, du moins, y a-t-il quelque espoir de voir s’améliorer cet ordre de choses, et de perfectionner le goût de la gent fashionable ? Je ne le pense pas. Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on travaille à son éducation en musique. Sans remonter à l’époque de Handel,