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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/188

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rives merveilleuses, cette ville située dans une des positions les plus ravissantes du monde, ces montagnes pittoresques ; tout cela était sans mérite et sans charme à ses yeux : l’air étranger l’étouffait.

Comme ce pauvre garçon n’était guère en état de satisfaire ma curiosité, et que, lorsque je parlais Suisse, il répondait France, il offrit de me présenter à un excellent patriote, député de la ville de Lausanne, qui l’avait reçu comme un frère en religion, et qui ne l’avait pas consolé, par la seule raison qu’on ne console pas de l’exil.

M. Pellis est l’un des hommes les plus distingués que j’aie rencontrés dans tout mon voyage, par son instruction, son obligeance et son patriotisme : du moment où nous nous fûmes serré la main, nous devînmes frères ; et pendant les deux jours que je passai à Lausanne, il eut la bonté de me donner, sur l’histoire, la législation et l’archéologie du canton, les renseignemens les plus précieux. Il s’était lui-même beaucoup occupé de ces trois choses.

Le canton de Vaux, qui touche à celui de Genève, doit sa prospérité à une cause tout opposée à celle de son voisin. Ses richesses, à lui, ne sont point industrielles, mais territoriales ; le sol est divisé de manière à ce que chacun possède : de sorte que sur ses cent quatre-vingt mille habitans il compte trente-quatre mille propriétaires. On a calculé que c’était quatre mille de plus que dans toute la Grande-Bretagne.

Le canton est, militairement parlant, l’un des mieux organisés de la confédération ; et, comme tout Vaudois est soldat, il a toujours, tant en troupes disponibles qu’en troupes de réserve, trente mille hommes à-peu-près sous les armes : c’est le cinquième de la population. L’armée française, établie sur cette proportion, serait composée de six millions de soldats.

Les troupes suisses ne reçoivent aucune solde ; c’est un devoir de citoyen qu’elles acquittent, et qui ne leur paraît pas onéreux. Tous les ans, elles passent trois mois au camp, pour s’exercer à toutes les manœuvres et s’endurcir à toutes les fatigues ; de cette manière, la Suisse entière trouverait prête, à son premier appel de guerre, une armée de cent quatre-vingt mille hommes, qui ne coûte pas une obole au gouvernement. Le budget de la nôtre, qui