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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/190

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REVUE DES DEUX MONDES.

En conséquence, il fit solennellement sa plainte par devant Louis de Joinville, baillif de Vaux, et la renouvelant avec de grandes formalités devant le comte Amédée viii, il offrit à son ennemi le combat à outrance, comme témoignage de la vérité de son accusation. Othon de Granson quoiqu’affaibli par une blessure encore mal fermée, crut de son honneur de ne point demander un délai, et accepta le défi : il fut donc convenu que le combat aurait lieu le 9 août 1393, à Bourg en Bresse, et que chacun des combattans serait armé d’une lance, de deux épées et d’un poignard ; il fut convenu, en outre, que le vaincu perdrait les deux mains, à moins qu’il n’avouât, si c’était Othon, le crime dont il était accusé, et si c’était Gérard d’Estavayer, la fausseté de l’accusation.

Othon fut vaincu : Gérard d’Estavayer lui cria d’avouer qu’il était coupable ; Othon répondit en lui tendant ses deux mains, que Gérard abattit d’un seul coup.

Voilà pourquoi les mains manquent à la statue, comme elles manquent au cadavre, car elles furent brûlées par le bourreau, comme les mains d’un traître[1].

Lorsqu’on ouvrit le tombeau d’Othon, afin de transporter ses restes dans la cathédrale de Lausanne, on trouva le squelette revêtu de son armure de combat, casque en tête et éperons aux pieds ; la cuirasse, brisée à la poitrine, indiquait l’endroit où avait frappé la lance de Gérard.

Les tombeaux modernes sont ceux de la princesse Catherine Orlow et de lady Straffort Canning : lord Straffort obtint, à cause de sa profonde douleur, que sa femme fût enterrée dans le temple. Il écrivit à Canova pour lui commander un tombeau, recommandant au sculpteur de faire le plus de diligence possible. Le tombeau arriva au bout de cinq mois, le lendemain du jour où lord Straffort venait de convoler en secondes noces.

De là, M. Pellis, notre savant et aimable cicerone, nous offrit de nous faire voir la maison pénitentiaire : en sortant, nous admirâmes la merveilleuse vue que l’on découvre du plateau de la cathédrale, au-dessous de laquelle Lausanne, couchée, éparpille ses maisons,

  1. L’artiste qui a fait le tombeau, a sculpté deux petites mains sur le coussin de marbre qui soutient la tête d’Othon.