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REVUE. — CHRONIQUE.

dore Muret vous apprendra ensuite, dans Cécile, comme quoi, de nos jours, il se trouve encore des écrivains de talent qui meurent littéralement de faim. À quoi donc, bon Dieu ! servent nos deux cent cinquante journaux, pour Paris seulement, nos Revues, grandes et petites, nos Cent-et-Un, nos Salmigondis, etc. ? Comment s’y prenait donc le malheureux dont M. Théodore Muret a écrit l’histoire, pour ne pas trouver accès près de cet être providentiel qu’on appelle éditeur ? Trois fois ingrat M. Muret !

L’Aveugle, de madame de Thélusson, ne tient pas tout-à-fait ce que promettait pour l’avenir la Veuve du poète qu’elle nous a donné dans un précédent volume. Elle a été plus heureuse dans Lucile[1], production naïve, où se trouve tout ce que le cœur d’une femme renferme de secrets délicats. Lucile est une nouvelle peinture de ces passions brûlantes qui s’emparent de deux êtres placés à des degrés différens de l’échelle sociale, et dont l’énergie s’accroît en raison de tous les obstacles qui s’opposent à l’accomplissement de leurs désirs : seulement cette fois, tout finit, après bien des peines, par s’arranger à la satisfaction des deux amans. Quelques-uns pourront blâmer ce dénoûment heureux ; mais il nous a plu, à vrai dire, peut-être parce que nous y comptions fort peu.

Quant aux Heures du Soir, qui sont déjà parvenues à leur quatrième volume, nous attendrons pour en parler que nous puissions concilier notre conscience de critique avec les égards dont nous nous piquons envers le sexe des auteurs. Il nous est d’ailleurs, impossible, de retrouver dans notre mémoire rien de ce que nous avons lu dans les deux derniers volumes.

CONFIDENCES, PAR JULES LE FÈVRE.[2]

Si M. Jules Le Fèvre eut publié son nouveau recueil sous la restauration, je m’assure qu’il se fût fait quelque bruit autour de son nom ; car il y a dans les Confidences une substance nourrissante et solide, assez rare dans les recueils de ce genre. Les hommes familiers avec l’histoire littéraire se souviennent très bien des qualités éminentes révélées par le Clocher de Saint-Marc. Ces qualités se retrouvent tout entières dans les Confidences, plus développées, plus saillantes ; c’est un progrès dans la route où l’auteur s’était engagé. Le poète est demeuré fidèle à ses principes ; mais je regrette pour lui qu’il n’ait pas modifié les artifices de sa parole selon l’auditoire auquel il avait affaire.

En effet, il faut une sorte de persévérance et de courage pour pénétrer

  1. Chez Fournier jeune.
  2. Henri Dupuy et Tenré.