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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/257

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POÈTES ET ROMANCIERS FRANÇAIS.

grâce, l’esprit uni au sentiment ; la dernière, Le retour chez Délie, déroule l’âme d’Hélène dès l’enfance et les orages du passé ; la première, encore souriante,


Du goût des vers pourquoi me faire un crime ?


ressemble à quelque épître amicale et tendre de Voltaire. À tout moment, soit dans le courant d’une pièce, soit au début, la pensée part subitement du sein de Mme Valmore comme un essaim effaré ; on ne peut rendre l’essor de ces échappées violentes ; ceux qui ont entendu Mme Dorval en quelques-uns de ses cris sublimes, ont éprouvé une impression également irrésistible. Ainsi, dans la pièce Peut-être un jour, etc. etc., le mot final : Dieu ! s’il ne venait pas ! Ainsi, dans L’Indiscret, lorsqu’un de ces colporteurs désœuvrés et gauches, qui remuent sans s’en douter les secrets les plus chers, jase devant elle au hasard des infidélités de son amant, elle écoute d’abord avec patience, elle se contient et se dévore ; puis tout d’un coup :


Ah ! j’aurais dû crier : c’est moi… je l’aime… arrête !


Ainsi dans L’Attente, cette ouverture glorieuse et triomphale comme un lever de soleil :


Il m’aima. C’est alors que sa voix adorée
M’éveilla tout entière et m’annonça l’amour, etc. etc.


Je recommande encore la pièce À mes enfans, Le présage, et tant de romances rêveuses ou délirantes, qui reviennent, aux heures de mélancolie, comme des chansons de saule. Je suis, en lisant ces épars chefs-d’œuvre, de l’avis de Mme Tastu, de celle, comme la désigne Mme Valmore, dont le cœur s’enferme et bat si vite : « Qu’importe, a-t-on dit du chanteur Garat, que ce ne soit pas un musicien, si c’est la musique elle-même : qu’importe aussi que Mme Valmore ne soit pas un poète selon l’art, si elle est la poésie et l’âme ? » Lamartine a merveilleusement exprimé comment, de tous ces fragmens brisés d’une vie si douloureuse, il résultait une