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différerons avec lui sur certains points, mais sans nous astreindre à les signaler, afin d’épargner d’inutiles discussions au lecteur.

Le sort de Madagascar a été des plus singuliers ; on dirait que le génie mystérieux qui semble protéger l’Afrique contre les entreprises des Européens, et qui ne leur a permis d’y établir jusqu’à ce jour que quelques précaires comptoirs, a veillé sur cette île immense, depuis sa découverte. Les Portugais, qui les premiers y abordèrent en 1506, passèrent outre, attirés par les trésors de l’Inde, qui offraient une proie plus riche à leur cupidité. Les Hollandais, qui leur succédèrent, et que n’avait pas effrayés le climat dévorant de Java, de Sumatra et des Moluques, reculèrent devant cette île, protégée de toutes parts par une ceinture de terres marécageuses, qui semble en défendre l’accès. Nul doute cependant que, s’ils l’eussent tenté, ils ne fussent parvenus à assainir un pays qui, après tout, n’est pas plus inhabitable que Batavia, Amboine, Timor, Surinam, et les autres colonies où s’est déployée leur persévérante industrie. Ce ne fut qu’après un siècle et demi d’abandon, que la France jeta, la première, les yeux sur Madagascar. La compagnie des Indes, qui, en 1649, en obtint la concession du roi, prit possession d’une partie de la côte sud, voisine du point où fut élevé par la suite le fort Dauphin. Plus tard elle s’établit sur la côte orientale, à Tamatave, Foulepointe et Sainte-Marie. L’histoire de ces établissemens n’est qu’une longue suite de désastres occasionés par le climat, les dissensions entre les chefs, l’ineptie de quelques-uns d’entre eux, le fanatisme des missionnaires, la cupidité insatiable des colons, et les excès de tous genres auxquels ils se portèrent envers les naturels. Trois fois, ces peuples naturellement doux, réduits au désespoir, furent obligés, pour se délivrer de leurs oppresseurs, d’en faire un massacre général. Le premier eut lieu en 1652, à Manghefia ; le second, en 1673, au fort Dauphin, et le dernier en 1754, à l’île Sainte-Marie, qui était devenue le repaire de tous les aventuriers de Maurice et Bourbon, dont la plupart avaient long-temps exercé la piraterie dans ces parages. Depuis cette époque jusqu’en 1820, la France renonça, en quelque sorte, à fonder des établissemens réguliers à Madagascar. Le fort Dauphin, Tamatave et Foulepointe furent les seuls points où notre pavillon continua de flotter sous la garde de quelques hommes à