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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/312

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fois, acheter du riz et du bétail pour l’approvisionnement de la colonie. Ce commerce néanmoins a passé presque tout entier dans les mains des Anglais de Maurice, et la situation de Sainte-Marie est telle que des motifs d’amour-propre peuvent seuls s’opposer à ce qu’on en cesse l’inutile et dispendieuse occupation.

Les causes qui ont fait avorter cette entreprise ressortent trop évidemment du récit qui précède, pour que nous cherchions à les développer longuement, comme l’a fait M. Ackermann. Nous ne le suivrons pas davantage dans un projet de nouvelle expédition qu’il propose sur une plus grande échelle, et qui, sans aucun doute, n’obtiendrait pas un plus heureux résultat. M. Ackermann est tombé dans une erreur très commune parmi ceux qui visitent des pays encore inoccupés par les Européens, sans se rendre compte du rôle qu’ont joué les colonies dans l’histoire générale du monde : c’est de ne rêver que conquêtes, établissemens agricoles et commerciaux, civilisation opérée par la force des armes, toutes choses qui se firent comme par enchantement dans les deux premiers siècles qui suivirent la découverte simultanée de l’Amérique et de la route des Indes par le cap de Bonne-Espérance, événemens qui imprimèrent à l’Europe un élan inouï vers les entreprises lointaines. Elle fut alors l’instrument dont la Providence se servit pour rapprocher les races humaines, les initier à la civilisation et préparer les voies de cette unité morale à laquelle tout porte à croire qu’elles arriveront un jour.

Mais aujourd’hui que l’œuvre est accomplie, que les Européens ont porté leurs arts, leurs religions, leurs connaissances de toute espèce, dans les parties les plus reculées du globe, et qu’il n’existe plus qu’un petit nombre de peuplades sauvages, le génie colonial est tombé dans la torpeur, et devenu incapable de renouveler les miracles qu’il enfantait autrefois. Il a jeté encore une lueur brillante à la Nouvelle-Galles du Sud, mais ce sera probablement la dernière.

Les Anglais sont le seul peuple chez qui ce génie subsiste encore en partie ; quant à nous, à peine en avons-nous conservé quelques traces. C’est par là seulement que nous pouvons expliquer la chute de toutes nos entreprises coloniales depuis le milieu du dernier