Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/332

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
326
REVUE DES DEUX MONDES.

maine aurait été une machine où l’habitude eût annulé la liberté. Sans la mort, point de mérite, point de bonté, point de sacrifice ; tout eût été égoïsme. Sans la mort, enfin, à quoi bon des individus, tant de millions de moi vivans, et libres ? Quel fait, en effet, quel raisonnement constate plus hautement l’individualité de chacun, que la mort[1] ? » Ailleurs M. Buchez décrit ainsi le spiritualisme de l’art chrétien : « Examinez une de ces cathédrales qu’on appelle si improprement gothiques ; c’est Christ aimant et bon, qui appelle ses fidèles dans ses bras pour s’y fortifier de son amour, et joindre leurs prières aux siennes ; lorsqu’il les a reçus dans son sein, alors il leur raconte sa vie, celle de ses saints apôtres, les encourageant contre le mal par le tableau de ses souffrances, les excitant au bien par l’espérance d’un avenir de récompense ; puis, bientôt, il dit, il chante avec eux ; alors ce grand monument tout entier, avec ses cloches retentissantes, ses martyrs peints et sculptés, les chants qui l’ébranlent et qui se modulent dans ses voûtes, ce grand monument tout entier est une prière adressée à l’Éternel ; c’est un homme qui implore ; il semble Christ sur la croix et qui crie : Pardonnez-leur, mon père[2]. » Voilà d’admirables paroles, voilà un cri de simple et profonde éloquence.

Le premier mérite qui nous a frappés dans l’œuvre de M. Buchez, c’est, indépendamment de sa filiation et de sa descendance, le sentiment profond et juste de la situation morale où nous sommes. Nous éprouvons le besoin de croyances nouvelles par la grâce et la vertu de l’esprit humain. Toutes les insurrections nécessaires du dernier siècle sont terminées, car elles ont vaincu. Nous voulons croire à quelque chose de positif et de nouveau. Mais comment ? En vertu de dispositions nouvelles de l’esprit humain. Croyance et philosophie, comme l’a fort bien senti M. Buchez, ne se repoussent pas : la foi de l’humanité persiste, mais progressivement elle a d’autres objets et d’autres conditions ; c’est la science qui accomplit ces changemens. La philosophie, loin de détruire, purifie la religion en l’agrandissant. Incontestablement nous

  1. Page 119.
  2. Pages 277, 278.