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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/353

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REVUE. — CHRONIQUE.

position. Les morceaux les plus saillans : la romance de Nourrit dans l’introduction, l’air de Mme Cinti au premier acte, le grand duo du second, le morceau à mi-voix des voleurs dans la caverne, et le duo du quatrième acte, ont seuls été appréciés à leur juste valeur ; et l’honneur en est surtout à Nourrit, qui a chanté la partie de Nadir de la manière la plus brillante, à Levasseur et à Mme Cinti. Ali-Baba, dont les représentations vont être maintenant suspendues par l’absence de Nourrit, paraît destiné à défrayer l’Opéra pour sa saison d’hiver.

Au Théâtre Français, nous avons eu l’Alibi, jolie comédie de M. Longpré, dont le sujet n’a d’autre défaut que d’avoir été pris dans le fameux sac où M. Ancelot renferme son dix-huitième siècle et ses élucubrations sur icelui. C’est la troisième fois que la muse gaillarde de M. Longpré va chercher ses inspirations dans le sac en question. Jusqu’à présent cela lui a réussi ; mais qu’elle prenne garde d’y retourner une quatrième.

Nous n’avons, que nous sachions, aucune autre pièce de quelque importance, et ayant obtenu les honneurs de la représentation, à signaler à nos lecteurs ; mais nous nous reprocherions éternellement de ne pas leur dire un mot d’un nouvel astre dramatique qui s’est levé sur l’horizon littéraire pendant les trois jours, et qui s’est ainsi trouvé dès sa naissance en conjonction avec le soleil de juillet, coïncidence du plus heureux augure pour la scène, si l’astrologie judiciaire n’a pas toujours tort.

M. François Cristal, avocat à la Cour royale de Paris, est l’astre en question. M. Cristal, voyant avec peine que Boileau, dans le troisième chant de l’Art poétique, avait médit du Tasse et fulminé à ce propos une sorte d’anathème littéraire contre le christianisme considéré sous le point de vue poétique, résolut un jour de prouver à Boileau qu’il avait tort, et pour cela conçut l’idée de faire une tragédie chrétienne. C’est à cette grande idée que nous devons La Passion de Jésus-Christ, tragédie en cinq actes et en vers. Nous allons essayer de faire connaître quelques-unes des innombrables beautés de cette pièce, qui nous reporte au beau temps de MM. Arnault et Jouy.

Au premier acte, l’apôtre Mathieu ouvre la scène avec Paul qui n’a pas encore fait le voyage de Damas. Tous deux cherchent à se convertir réciproquement. Mathieu veut que Paul se range du parti de Jésus-Christ ; Paul s’indigne de la proposition, et veut que Mathieu abandonne son maître :


Y penses-tu, Mathieu ! moi, citoyen romain,
Je me prostituerais à ton Galiléen !
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