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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/369

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LÉLIA.

de ses rêves ; mais elle ne songe pas un seul instant à se placer au-dessus de Pulchérie. Elle ne peut descendre jusqu’à elle. Mais elle ne la croit pas au niveau de son mépris.

Ainsi Trenmor et Pulchérie sont placés aux côtés de Lélia, comme deux splendides candélabres ; ils promènent sur son visage des lueurs éblouissantes et durables. Ils ne laissent inaperçu aucun trait de sa figure. Le sage nous enseigne la pensée de cette âme solitaire. La courtisane ouvre à nos yeux le cœur qui se dévore, le cerveau qui s’épuise en aspirations sans cesse renaissantes.

Cependant Sténio, fier de sa jeunesse et de la sincérité de son dévoûment, persiste dans son entreprise. Il veut dompter Lélia. Il veut assouplir cette incrédulité rebelle.

Au milieu de la folie bruyante d’une fête, il la suit et se trouve seul avec elle. Il espère qu’elle va enfin se livrer. Le drame est arrivé à sa péripétie. Mais Lélia, telle que nous la savons par Trenmor et Pulchérie, ne peut appartenir à Sténio. Par les sens qu’elle n’a pas, elle est moins qu’une femme. Par l’élévation absolue de ses idées, elle est plus qu’un homme. Elle ne peut pas se résigner au plaisir. — Elle prolonge l’illusion de Sténio avec une générosité stoïque. Elle cède sa place à Pulchérie. Sténio croit toucher au bonheur, il croit réaliser l’idéale volupté de ses rêves. Mais tandis qu’il promène sur la femme qui a dormi dans ses bras, un regard curieux et enivré, il entend le chant mélodieux de Lélia, qui retentit sous ses fenêtres. — Il s’est souillé à la réalité.

Je ne crois pas qu’on puisse nier le progrès dramatique de cette fable. Jusqu’ici, on le voit, chacun des types est demeuré fidèle au symbole qu’il enveloppe. Les idées ont été s’agrandissant, s’éclaircissant de plus en plus. Il faut maintenant que l’évolution s’achève, il faut que la volonté divine dénoue le nœud qu’elle a noué.

C’est-à-dire qu’il doit y avoir dans la fin de chaque personnage un sens aussi pur, aussi nettement saisissable que dans le rôle même qu’il a joué. C’est-à-dire que pas un d’entre eux ne doit disparaître sans que ses dernières paroles résolvent l’énigme de sa vie.

Or la conclusion de Lélia ne laisse pas dans la nuit et l’ignorance une seule partie du problème.

Magnus, qui jusqu’à présent ne s’est pas mêlé activement à la