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REVUE DES DEUX MONDES.

Qui baigne tes cheveux, — et la chaste rougeur
Qui couvre ton beau front, vient du sang de ton cœur.

Silence ! quelqu’un frappe, — et sur les dalles sombres
Un pas retentissant fait tressaillir la nuit.
Une lueur tremblante approche avec deux ombres ;
C’est toi, maigre Rolla ? que viens-tu faire ici ?

Ô Faust ! n’étais-tu pas prêt à quitter la terre,
Dans cette nuit d’angoisse où l’archange déchu
Sous son manteau de feu, comme une ombre légère,
T’emporta dans l’espace à ses pieds suspendu ?
N’avais-tu pas crié ton dernier anathème ?
Et quand tu tressaillis au bruit des chants sacrés,
N’avais-tu pas frappé, dans ton dernier blasphème,
Ton front sexagénaire à tes murs délabrés ?
Oui, le poison tremblait sur ta lèvre livide ;
La Mort, qui t’escortait dans tes œuvres sans nom,
Avait à tes côtés descendu jusqu’au fond
La spirale sans fin de ton long suicide ;
Et, trop vieux pour s’ouvrir, ton cœur s’était brisé,
Comme un roc en hiver, par la froidure usé.
Ton heure était venue, athée à barbe grise,
L’arbre de ta science était déraciné ;
L’ange exterminateur te vit avec surprise
Faire jaillir encor, pour te vendre au damné,
Une goutte de sang de ton bras décharné.
Oh ! sur quel océan, sur quelle grotte obscure,
Sur quel bois d’aloës et de frais oliviers,
Sur quelle neige intacte au sommet des glaciers,
Souffle-t-il à l’aurore une brise aussi pure,
Un vent d’est aussi plein des larmes du printemps,
Que celui qui passa sur ta tête blanchie,
Quand le ciel te donna de ressaisir la vie,
Au manteau virginal d’un enfant de quinze ans !

Quinze ans ! — Ô Roméo ! l’âge de Juliette !