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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/409

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SOUVENIRS DE LA NORMANDIE.

cuper de rendre ce refuge inutile, en s’emparant de toutes les îles anglaises de la Manche. De son côté, le duc d’Harcourt, gouverneur de la Normandie, réclamait-il des troupes et des canons pour garnir les côtes de la province, on lui écrivait que ces précautions étaient superflues, attendu qu’on allait effectuer une descente en Angleterre.

On rassembla en effet à Saint-Malo une armée d’expédition dont le maréchal de Vaux eut le commandement, et une autre au Havre, qui fut confiée au duc d’Harcourt. On sait que tous ces armemens se réduisirent à une parade dans la Manche, et à des sarcasmes du ministre Maurepas, qui allait partout disant que la descente n’existait que dans les brayes du maréchal de Vaux, vieillard impotent, qu’une malheureuse infirmité aurait dû soustraire aux faveurs onéreuses des ministres comme à leurs épigrammes.

L’expédition de Jersey ne fut pas plus heureuse que la tentative de débarquement à Plymouth.

Cette expédition fut confiée à un officier très brave, nommé Rullecourt. Il s’embarqua à Granville, et alla dans les îles de Chausey rejoindre douze cents hommes de la légion du chevalier de Luxembourg, qui devaient servir sous ses ordres. Un vaisseau marchand de Blainville, près Coutances, les transporta en six heures à l’île de Jersey. Il était onze heures du soir, quand Rullecourt et ses troupes débarquèrent. C’était pendant la nuit des Rois. Les habitans de l’île, que leurs maîtres les Anglais laissent encore sous le régime de l’antique coutume normande, avaient fêté l’Épiphanie en vieux catholiques, et ils dormaient profondément, quand Rullecourt et ses soldats se présentèrent aux portes de Saint-Hélier, la ville principale. Le gouverneur, surpris dans son lit, vint en chemise, ainsi que les principaux habitans, signer une capitulation sur la place du Marché, et Rullecourt, tout joyeux, se croyait maître de l’île, lorsque la milice, qui s’était rassemblée dans le château, le foudroya, lui et sa petite troupe, d’une manière terrible. La milice réfugiée dans le château se composait de quatre mille hommes, et Rullecourt n’en avait que trois cents. Le reste de sa légion n’avait pu aborder, tant est orageuse la baie de Saint-Aubin où il avait mouillé, et tant l’abord de cette côte est difficile.

Le combat dura trois heures. Les Français furent littéralement