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DES RÉVOLUTIONS DE LA ROYAUTÉ EN FRANCE.

lettres renaissantes ; lorsque Rabelais et Montaigne eurent scientifié la langue ; lorsque les arts eurent mis le pied sur le sol de France à la suite du Primatice et de Léonard de Vinci ; lorsque Luther en Allemagne, Wicleff en Angleterre, Calvin en France, eurent préparé par la réforme religieuse la réforme politique ; lorsque l’évacuation de Calais, qui enleva du sol français la dernière trace de la conquête d’Édouard iii, eut fixé nos limites militaires ; lorsque la nuit de la Saint-Barthélemy, produisant un effet contraire à celui qu’elles en attendaient, eut fait chanceler dans le sang huguenot la religion et la royauté qui se tenaient embrassées ; lorsqu’enfin l’exécution de La Mole, l’assassinat des Guises, le jugement de Biron, eurent, comme l’avaient fait à la grande vassalité le supplice de Clisson et le meurtre de Jean de Bourgogne, annoncé à la grande seigneurie que les temps étaient accomplis, et que son heure était venue ; alors parut à l’horizon, comme une comète rouge, Richelieu, ce large faucheur, qui devait épuiser sur l’échafaud le reste du sang que la guerre civile et les duels avaient laissé aux veines de la noblesse.

Il y avait 149 ans que Louis xi était mort.

Je n’ai pas besoin de dire que la mission de ces deux hommes était la même, et l’on sait que Richelieu accomplit la sienne aussi religieusement que l’avait fait Louis xi.

Louis xiv trouva donc l’intérieur de l’édifice monarchique non-seulement dégarni des deux cents colonnes qui le soutenaient, mais encore débarrassé de leurs débris. Le trône était posé si carrément sur la France nivelée, que, tout enfant qu’il était, il y monta sans trébucher ; puis, à sa majorité, le chemin de l’absolu s’offrit à lui, tracé par un pied si large, que le disciple n’eut qu’à suivre la trace de son maître, sans avoir crainte de s’égarer ; et il lui fallut cela, car Louis xiv n’avait pas le génie du despotisme, il n’en avait que l’éducation.

Il n’en accomplit pas moins l’œuvre à laquelle il était destiné : il se fit centre du royaume, rattacha à lui tous les ressorts de la royauté, et les tint dans une tension si longue, si forte et si continue, qu’il put prévoir, en mourant, qu’ils se briseraient dans les mains de ses successeurs.

La régence arriva, répandit son fumier sur le royaume, et l’aristocratie sortit de terre.

Louis xv, à sa majorité, se trouva donc dans la même position où s’étaient trouvés François Ier et Hugues Capet. La monarchie était à réorganiser : plus rien à la place des grands seigneurs, plus rien à la place des grands vassaux ; de faibles et nombreux rejetons seulement là où étaient autrefois les tiges fortes et vigoureuses. Il lui fallut donc abaisser encore la voûte monarchique, substituer de nouveau la quantité à la force ; et au