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ALDO LE RIMEUR.

l’estimais moins, j’étais moins touchée de son amour. Mais son esprit, moins élevé, était plus positif ; c’était un ambitieux, mais un ambitieux qui secondait toutes mes vues. J’ai aimé autrefois le brave Athol. Celui-là était un beau soldat, un bon serviteur, un véritable ami ; du reste un montagnard stupide : mais il était l’appui de ma royauté, il la rendait redoutable au dehors, paisible au dedans ; c’était comme une bonne arme bien trempée et bien brillante dans ma main. Ce poète est dans mon palais comme un objet de luxe, comme un vain trophée qu’on admire et qui ne sert à rien. Un vêtement d’or vaut-il une cuirasse d’acier ? On aime à respirer les roses de la vallée, mais on est à l’abri sous les sapins de la montagne.

Et pourtant que le parfum d’un pur amour est suave ! Qu’il est doux de se reposer des soucis de la vie active sur un cœur sincère et fidèle ! Qu’ils sont rares, ceux qui savent, ceux qui peuvent aimer ! holocaustes toujours embrasés, ils se consument en montant vers le ciel. Nous pouvons à toute heure chercher sur leur autel la chaleur qui manque à notre âme épuisée, nous la trouvons toujours vive et brillante. Leur sein est un mystérieux sanctuaire où le feu sacré ne s’éteint jamais ; s’il s’éteignait, le temple s’écroulerait comme un monde sans soleil. L’amour est en eux le principe de la vie. Ils pâlissent, ils souffrent, ils meurent, si on froisse leur tendresse délicate et timide. Dites un mot, accordez un regard, ils renaissent, leur sein palpite de joie, leur bouche a de douces paroles de reconnaissance pour bénir, et leurs caresses sont ineffables. Aldo, il n’y a que toi qui saches aimer, et pourtant il est des jours où tu m’ennuies mortellement.



Scène III.


LA REINE, ALDO.
ALDO.

Que veux-tu de moi, ma bien-aimée ?

LA REINE.

Je voulais te voir, être avec toi.